Si le gouvernement américain a toujours été favorable à la vente de F-16 à Ankara, des élus au Congrès s’y étaient opposés et bloquaient le dossier, arguant du bilan négatif des droits de l’homme en Turquie et des tensions avec la Grèce.
Mettant fin à des mois de tractations, le gouvernement américain a donné, vendredi 26 janvier, son aval à la vente d’avions de chasse F-16 à la Turquie, ainsi que des F-35 à la Grèce, dans la foulée de la ratification par Ankara, cette semaine, de l’adhésion de la Suède à l’OTAN.
La vente prévoit l’acquisition par la Turquie de quarante nouveaux F-16 et par la Grèce de quarante F-35, pour un montant de 8 milliards de dollars (7,36 milliards d’euros), a fait savoir le département d’Etat vendredi.
Ce dernier a formellement notifié, comme l’exige la loi américaine, le Congrès de cette double vente vendredi en fin de journée, a révélé à des journalistes un responsable américain s’exprimant sous le couvert de l’anonymat.
Les Etats-Unis ont attendu pour ce faire que les documents de ratification par la Turquie de l’adhésion suédoise à l’OTAN soient physiquement déposés à Washington, a précisé ce responsable, témoignant du caractère ultrasensible des négociations qui a prévalu à cet accord.
En tant que dépositaires du traité de l’Atlantique Nord, tous les instruments de ratification doivent être déposés dans la capitale fédérale, qui accueillera en juillet un sommet pour les 75 ans de l’Alliance atlantique. La loi américaine exige par ailleurs que le Congrès soit notifié de toute vente d’armement américain à un gouvernement étranger.
La Turquie approuve l’adhésion de Stockholm à l’OTAN
L’affaire des F-16 pour la Turquie, qui en a besoin pour moderniser sa force aérienne, est l’histoire d’une longue saga qui a émaillé les discussions entre les Etats-Unis et la Turquie dans le sillage de la candidature suédoise à l’Alliance atlantique.
Le Parlement turc a approuvé mardi l’adhésion de Stockholm, mettant fin à vingt mois de tractations qui ont testé la patience des alliés occidentaux d’Ankara, désireux de faire front uni face à Moscou dans le contexte de l’invasion de l’Ukraine.
Le président turc, Recep Tayyip Erdogan, a mené un bras de fer, exigeant d’abord de la Suède une série de réformes et posant ensuite comme condition cette vente simultanée d’avions F-16 américains.
Pour satisfaire les exigences d’Ankara, la Suède a réformé sa Constitution et adopté une nouvelle loi antiterroriste, la Turquie accusant la Suède de mansuétude envers des militants kurdes réfugiés sur son sol, considérés pour certains d’entre eux comme terroristes par Ankara.
La Suède avait annoncé en mai 2022, dans la foulée de l’invasion russe de l’Ukraine en février, sa candidature à l’OTAN, en même temps que la Finlande, devenue en avril 2023 le 31ᵉ membre de l’organisation.
Opposition d’élus du Congrès
Si le gouvernement américain a toujours été favorable à la vente de F-16 à la Turquie, des élus au Congrès – notamment démocrates – s’y étaient opposés et bloquaient le dossier, arguant du bilan négatif des droits de l’homme en Turquie et des tensions avec la Grèce. Ils avaient directement lié ce contrat à la ratification turque. De ce fait, l’administration Biden s’était retenue, jusqu’à ce vendredi, d’en notifier le Congrès.
L’influent président démocrate de la commission des affaires étrangères du Sénat, Ben Cardin, a fait part, dans un communiqué diffusé vendredi soir, de son accord pour la vente, soulignant n’avoir « pas pris cette décision à la légère ». Le Congrès a le pouvoir de la bloquer en votant une résolution conjointe mais personne ne s’y attend, la condition de la ratification de l’adhésion suédoise étant à présent levée.
Le secrétaire d’Etat américain, Antony Blinken, a mené une intense séquence diplomatique entre Athènes et Ankara pour obtenir cet accord, allant jusqu’à répéter par trois fois au président turc, lors d’un déplacement à Ankara, juste après le séisme en février 2023, qu’il n’y aurait pas d’avions sans ratification, selon le responsable.
Des F-35 pour la Grèce
L’accord a nécessité au préalable qu’Athènes s’engage à ne pas faire obstruction à la vente, et Athènes se voit accorder de façon simultanée des F-35 plus perfectionnés, selon cette source.
Athènes avait vivement contesté la vente d’avions de combat F-16 à Ankara, en raison des différends territoriaux qui l’opposent depuis longtemps à la Turquie dans la région de la Méditerranée orientale, riche en ressources énergétiques.
Ce nouvel élargissement de l’OTAN n’est cependant pas tout à fait terminé. Il reste à la Hongrie de ratifier l’adhésion suédoise malgré les promesses de Budapest qu’il ne serait pas le dernier pays à donner son feu vert. « Le premier ministre hongrois, Viktor Orban, a une fois de plus montré qu’il était le membre le moins fiable de l’OTAN », a déploré le sénateur Ben Cardin.
A Washington, on dit s’attendre à ce que cela prenne encore quelques semaines mais que la Hongrie s’est engagée à aller de l’avant, ce qui permet d’envisager une cérémonie de levée de drapeaux lors d’une prochaine ministérielle de l’OTAN, à son siège de Bruxelles, en avril.