Depuis la fin des élections législatives et présidentielle turques, les membres de l’Otan tentent de persuader la Turquie de lever enfin son veto à l’entrée de la Suède dans l’Otan. Mais l’adoption par Stockholm d’une nouvelle loi antiterroriste ne convainc pas tout à fait la presse proche du pouvoir turc. Par Courrier International du 10 juin 2023.
Le Norvégien Jens Stoltenberg, secrétaire général de l’Otan, faisait partie des chefs d’État et d’institutions internationales présents lors de la cérémonie de prestation de serment de Recep Tayyip Erdogan pour son nouveau mandat, le 3 juin, souligne le quotidien Evrensel.
Les deux hommes y ont d’ailleurs échangé une poignée de mains chaleureuse (voir le tweet ci-dessous). Le lendemain, Stoltenberg était reçu en audience par le président turc pour une réunion à huis clos.
Erdogan s’est aussi entretenu par téléphone avec le président américain, Joe Biden, l’occasion pour Washington de souligner ouvertement pour la première fois que la livraison de nouveaux avions de combat F-16 à la Turquie était suspendue à sa décision concernant Stockholm. “Il veut toujours trouver une solution pour les F-16, je lui ai dit que nous, nous voulions un accord sur la Suède”, a ainsi déclaré à la presse le président américain, cité par le quotidien Birgün.
Mais “peut-on vraiment se fier à la parole des Américains ?” s’interroge le quotidien progouvernemental Sabah, qui se félicite de la défaite électorale du candidat de l’opposition, Kemal Kiliçdaroglu : “Les Suédois et les Américains attendaient son élection, il leur aurait tout concédé à la table des négociations, mais maintenant il va falloir qu’ils fassent des progrès concrets pour obtenir l’accord.”
“Les discours et les provocations les plus vils”
La Turquie bloque depuis treize mois l’entrée de la Suède dans l’Alliance atlantique. Ankara reproche à la Suède d’avoir, dans le cadre de sa politique d’accueil des demandeurs d’asile, accueilli des membres ou des soutiens de la guérilla kurde du PKK ou de la confrérie religieuse de l’imam Fethullah Gülen (ancien allié d’Erdogan accusé d’avoir fomenté la tentative de coup d’État de l’été 2016).
Afin de tenter de satisfaire Ankara, la Suède, qui a d’abord levé son embargo sur les exportations d’armes vers la Turquie, a même accepté de modifier sa Constitution pour permettre au Parlement de voter une nouvelle loi “antiterroriste”. Entrée en vigueur le 1er juin, elle doit désormais faciliter les poursuites contre les groupes considérés comme “terroristes”.
Mais la presse turque proche d’Erdogan est pour le moins circonspecte, notamment après la manifestation contre cette nouvelle loi, qui s’est tenue le 4 juin dans le centre de Stockholm. “D’un côté, la Suède affirme adopter une nouvelle loi aux contours assez flous pour lutter contre le terrorisme, mais de l’autre elle autorise les discours et les provocations les plus vils sous le couvert de la liberté d’expression”, critique ainsi le quotidien progouvernemental Hürriyet.
Une première expulsion en Suède
L’extradition d’un premier demandeur d’asile a finalement été validée par la Cour suprême suédoise, rapporte le média en ligne Diken. Condamné à plusieurs années de prison pour trafic de drogue en Turquie, il s’était enfui vers la Suède.
Les juges suédois ont toutefois demandé qu’il ne soit jugé que pour les motifs de trafic de drogue et non pas pour des motifs politiques, souligne Paul Levin, universitaire suédois spécialiste de la Turquie et expert auprès des tribunaux suédois.
Et, ce vendredi 9 juin, un citoyen turc a été inculpé en Suède pour “tentative de financement terroriste” du mouvement armé kurde du PKK, une première.
Lundi 12 juin, une réunion en Turquie devrait rassembler des responsables suédois, turcs et de l’Otan. Européens et Américains espèrent obtenir la levée du veto turc [et hongrois] pour le sommet de l’Otan les 11 et 12 juillet à Vilnius, en Lituanie. Pour M. Stoltenberg, il est temps que cette adhésion se confirme.