«Vous ne devez pas vous taire» : le maire d’Istanbul, en détention, en appelle à la «nation», les manifestants se rassemblent de nouveau/LIBERATION/AFP

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LIBÉRATION, LE 20 MARS 2025

Des manifestants se rassemblent ce jeudi 20 mars au soir dans la capitale économique turque pour le deuxième jour consécutif après l’arrestation du maire d’opposition, Ekrem Imamoglu, également rival d’Erdogan pour la présidentielle 2028.

Pour le deuxième soir d’affilée, une foule de plusieurs milliers de manifestants a afflué ce jeudi 20 mars devant le siège de la municipalité d’Istanbul en soutien au maire d’opposition (CHP), Ekrem Imamoglu. Poursuivi pour «corruption» et «terrorisme», ce dernier a exhorté la nation et les juges à réagir au lendemain de son arrestation. «J’en appelle aux membres du pouvoir judiciaire […]. Vous devez agir et vous occuper de cette poignée de collègues qui ternissent notre système judiciaire», a écrit l’édile dans un message relayé par ses avocats sur X. «Vous ne pouvez pas et ne devez pas vous taire», a insisté le principal opposant au président Erdogan.

Jeudi soir, la police turque a fait usage de balles en caoutchouc et de gaz lacrymogène en direction du rassemblement. Selon les correspondants de l’AFP, les policiers ont ainsi voulu bloquer un groupe de jeunes manifestants qui tentaient de se diriger vers la place Taksim.

Dans l’après-midi, des manifestants, majoritairement étudiants des universités de la ville, avaient déjà convergé vers l’hôtel de ville d’Istanbul où le parti du maire, le CHP (Parti républicain du peuple, social-démocrate), avait invité à un nouveau rassemblement en soirée. L’édile de la plus grande ville et capitale économique de la Turquie devait être intronisé dimanche candidat à la présidentielle 2028 de son parti, qui est la première force d’opposition. Dès mardi, l’annulation de son diplôme universitaire entravait son droit à briguer la présidence. «En tant que nation, nous devons rester unis contre ce mal», a écrit sur X le maire d’Istanbul, dont le parti dénonce un «coup d’Etat».

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La place Taksim et le parc adjacent de Gezi, lieux emblématiques de la contestation au cœur d’Istanbul, restaient barricadés jeudi pour prévenir tout rassemblement, par ailleurs interdits jusqu’à dimanche par le gouverneur de la métropole. Les arrêts de métro et de bus de la place Taksim, d’ordinaire très fréquentés, ne sont également plus desservis. De même, l’accès à plusieurs réseaux sociaux et messageries, dont X et WhatsApp, demeure restreint à Istanbul. Le ministre de l’Intérieur, Ali Yerlikaya, a annoncé l’arrestation de 37 internautes pour des «messages provocateurs» sur les réseaux sociaux.

Ekrem Imamoglu réélu triomphalement en 2024

Outre Ekrem Imamoglu, plus de 80 personnes ont été interpellées en même temps que lui mercredi, et une vingtaine d’autres sont recherchées. Parmi elles, six personnes sont elles aussi accusées de «soutien à une organisation terroriste», le Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK), mouvement armé interdit qui s’est récemment engagé à déposer les armes. Mercredi soir, malgré le froid, des milliers de personnes avaient déjà répondu à son appel en scandant, entre autres, «Imamoglu, tu n’es pas seul !».

Selon les médias locaux, les interrogatoires des gardés à vue n’ont commencé que ce jeudi matin. Cette nouvelle vague d’arrestations touchant l’opposition a enfoncé la livre turque : elle s’échangeait ce jeudi soir au-delà de 38 livres pour 1 dollar et de 41 livres pour 1 euro, des niveaux jamais atteints jusqu’à mercredi. La Banque centrale turque a indiqué dans un communiqué qu’elle puiserait le cas échéant dans ses réserves de change pour empêcher toute chute de la monnaie nationale, comme elle l’a fait mercredi, selon des économistes.

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En ravissant Istanbul en 2019, après deux décennies de domination d’Erdogan et de son camp sur la ville, Imamoglu est devenu l’homme à abattre. Le maire, réélu triomphalement en 2024, est vu comme le principal rival du chef de l’Etat autoritaire, qui s’est abstenu pour l’heure de tout commentaire depuis l’arrestation de son opposant.Les maires de plusieurs capitales et grandes villes européennes, ainsi que les ministères français et allemand des Affaires étrangères ont condamné son interpellation, mettant en garde contre ses conséquences sur la démocratie turque.

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