« Ankara envisagerait de reprendre langue avec Damas pour discuter des Kurdes présents sur le sol syrien et des réfugiés syriens présents en Turquie. Mais des sources proches du régime écartent cette possibilité » dit Courrier International.
Et si le contexte de la guerre en Ukraine permettait à la Turquie d’ouvrir des négociations avec la Syrie de Bachar El-Assad ? C’est l’hypothèse que pose le quotidien progouvernemental Hürriyet, en se prévalant de sources bien placées au sein de l’État turc. Selon Hürriyet, d’éventuelles tractations entre Ankara et Damas porteraient sur deux dossiers principaux : la question kurde et celle des réfugiés syriens.
Représentant une minorité importante en Syrie, les Kurdes ont triomphé de l’État islamique. Avec les populations arabes locales, ils contrôlent désormais le nord-est du pays. Mais Ankara voit dans les Forces démocratiques syriennes la main des séparatistes kurdes du PKK, contre lequel l’armée turque mène régulièrement des opérations militaires.
D’autre part, la Turquie voudrait aborder la question d’un éventuel retour des 3,5 millions de réfugiés syriens ayant fui la guerre qu’elle a accueillis et dont la présence est de moins en moins bien acceptée par la population : “Si ces négociations parviennent à leur but, alors au moins la moitié des réfugiés pourront rentrer en Syrie”, imagine le quotidien, même si l’on voit mal quelles garanties le régime de Damas pourrait offrir concernant leur sécurité.
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Selon le journal, les tentatives de négociations précédentes avec le régime de Damas étaient régulièrement entravées par les accords qui lient ce dernier à ses parrains russe et iranien, auxquels il doit son maintien. Mais la guerre en Ukraine, en focalisant l’attention et l’énergie de Moscou, renforce la position de la Turquie sur le théâtre syrien.
C’est ce qu’explique Samuel Ramani, chercheur associé au Royal United Services Institute de Londres, au média saoudien anglophone Arab News : “La Turquie a joué le rôle de facilitateur de dialogue et de médiateur entre la Russieet l’Ukraine, et elle essaie maintenant de reproduire cela en Syrie. La récente visite d’Assad aux Émirats arabes unis souligne la normalisation croissante avec les pays arabes, et malgré son antipathie à son égard, Ankara se rend compte qu’Assad est la seule option en Syrie.”
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Damas dément : un ballon d’essai turc ?
“Des informations sans fondement”, qui s’inscrivent dans une “propagande médiatique scandaleuse à l’approche de l’élection présidentielle” en Turquie, prévue en 2023, destinée à “polir l’image” d’Ankara, ont vertement réagi des cercles proches du ministère des Affaires étrangères syrien dans le quotidien syrien Al-Watan, proche du régime, citant nommément le quotidien turc.
“La position de la Syrie est claire et n’a pas changé vis-à-vis du régime [du président turc Recep Tayyip] Erdogan”, expliquent ces sources. “Damas ne peut envisager de dialogue avec le régime d’Erdogan à moins d’une première étape qui serait le retrait des forces d’occupation turques présentes de manière illégitime sur le territoire syrien et la fin du soutien aux terroristes”, ajoutent-elles.
Sur le territoire syrien, les forces turques avec, à leurs côtés, des milices formées d’anciens rebelles syriens contrôlent directement les régions d’Afrin, de Jarablus et de Tel Abyad, situées dans le nord du pays. Par ailleurs, Ankara a développé de bonnes relations avec les djihadistes du Hayat Tahrir Al-Cham, qui tiennent la province d’Idlib, dans le nord-ouest.
Pour le chercheur russe au Middle East Institute Anton Mardasov, cité par le quotidien russe Nezavissimaïa Gazeta, il pourrait s’agir d’un ballon d’essai lancé par la Turquie en direction de la Syrie. “Les informations du journal Hürriyet s’avèrent exagérées. Elles peuvent viser à prendre le pouls”, déclare-t-il.
Courrier International, 8 avril 2022, Photo/Bulent KILIC/AFP