« Plus de 330 femmes victimes de féminicides et 254 morts suspectes en 2022. La plateforme « We Will Stop Femicide » (Nous arrêterons les féminicides), l’une des plus anciennes et des plus actives associations de lutte contre les violences faites aux femmes en Turquie, a dévoilé son rapport annuel » dit Marie-Pierre Vérot dans France Inter.
En Turquie, le nombre de féminicides enregistrés par la plateforme turque « We will Stop Femicide » a augmenté de 23% entre 2020 et 2022. C’est un bilan saisissant pour le quotidien du pays Cumhurriyet. Depuis le retrait de la Turquie de la Convention d’Istanbul, les violences faites aux femmes n’ont cessé d’augmenter, dénoncent les associations.
Des statistiques en deçà de la réalité
En 2022, 334 femmes ont été tuées et 245 autres morts suspectes ont été enregistrées, selon Melek Önder de la plateforme « We will stop femicide« , Nous arrêterons les féminicides. « C’est une nouvelle hausse par rapport à 2021 qui était déjà une année terrible. Cela veut dire que chaque jour en Turquie, une femme est tuée par un homme. Mais nous sommes convaincues que le chiffre réel est bien plus important que ces données que nous collectons« , poursuit-elle.
Faute de statistiques officielles fiables, l’association collecte en effet ses données à partir d’articles de presse et de témoignages de proches de victimes qui la saisissent.
En 2022, la moitié des femmes ont été assassinées pour avoir voulu divorcer. 46% sont tombées sous les coups de leur conjoint. La plateforme note que les proches des victimes qui ont tenté d’empêcher leur meurtre sont également ciblées dans une proportion plus inquiétante que les années précédentes.
Le laxisme du gouvernement
Le nombre d’auteurs de féminicides ayant un casier judiciaire est aussi en augmentation, dénoncent les organisations de défense des droits des femmes, qui critiquent le laxisme du gouvernement et de la justice dans leur suivi.
La crise économique comme facteur aggravant
La crise économique est un facteur aggravant dans les violences domestiques même si le phénomène n’est pas quantifié en Turquie. Et l’approche des élections inquiète Melek Önder, avec une pression qui risque de s’accentuer sur la société civile et des gages supplémentaires donnés aux franges les plus conservatrices de la société. Mais elle se félicite aussi de la combativité des femmes, en Turquie et ailleurs.
« Comme vous le savez en Iran, ce pays voisin, avec ce gouvernement très répressif, les manifestations se poursuivent. Il y a eu des morts. Mais nous voyons que c’est une question vitale pour les femmes. Et pour cela nous gardons espoir. Parce que les femmes savent qu’elles ont des droits, qu’elles peuvent vivre libres et égales. Au XXIème siècle il n’est plus possible de les arrêter », dit-elle.
Le rapport annuel de l’association a été dévoilé alors que le conseil d’Etat turc rejetait définitivement tous les recours contre le retrait de la Turquie de la Convention d’Istanbul. Mais les associations ont promis d’aller jusqu’à la cour constitutionnelle et la Cour Européenne des Droits de l’Homme pour faire entendre leur voix. Avec un combat judiciaire qui va déjà mobiliser « We Will Stop Femicide » la semaine prochaine : une nouvelle audience dans le procès intenté par le gouvernement, qui entend dissoudre l’association pour « activités immorales ».
France Inter, 4 janvier 2023, Marie-Pierre Vérot, Photo/Photo Kemal Aslan/AP/SIPA