Dans un article du 19/10 le Monde détaille le commerce de la Turquie avec la Russie et décrit le processus par lequel la Russie contourne les sanctions des États-Unis et de l’Union européenne : « Les cargaisons en provenance de différents pays du monde sont déchargées dans les ports de Mersin, d’Istanbul, d’Izmir et transférées dans des conteneurs appartenant à des entreprises ou à des sous-traitants locaux, qui les acheminent ensuite en Russie vers le port de Novorossiïsk, sur la mer Noire, ou par camion à travers la Géorgie. (…) Cette réexportation de biens opérée par la Turquie prend des allures de tour de passe-passe effectué sous le nez des Occidentaux par un pilier de l’OTAN. Le trou dans la raquette des sanctions. »
Le recours par la Russie à des importations alternatives face aux sanctions américaines aurait transformé la Turquie en un des hubs de transit pour ses importations alternatives. Entre février et juillet 2022 la Turquie aurait augmenté de 42 % ses exportations de biens et de produits vers la Russie.
En retour, les exportations de matières énergétiques russes ont, elles aussi, fortement augmenté. « Pour Refinitiv Eikon, une plate-forme d’analyse financière, les importations de pétrole russe en Turquie, même si elles restent très largement en deçà de celles livrées à l’Inde et à la Chine, auraient presque doublé ces huit derniers mois. A la mi-septembre, Ankara a même annoncé un accord de livraison de gaz naturel, dont le quart payable en roubles ».
« A Bruxelles, le jeu d’équilibriste turc n’a pas l’heur de trop inquiéter les responsables européens. Selon un membre de la Commission européenne, cité par le magazine allemand Der Spiegel, la part des exportations turques vers la Russie « n’est qu’une fraction des approvisionnements livrés avant les sanctions mises en place par les Occidentaux ». Trop peu, en d’autres termes, pour se fâcher avec l’homme fort d’Ankara qui a, dans le même temps, livré des drones de combat à l’Ukraine, bloqué le Bosphore aux navires de guerre russes, et pris position contre l’annexion par Moscou du Donbass et de la Crimée. « Erdogan a fait bien plus qu’escompté », répètent à l’envi les diplomates européens. »
Cependant on s’inquiète à Washington. En août, le secrétaire adjoint au Trésor américain a adressé une lettre à la Tüsiad, la principale organisation patronale turque. Il « met en garde les entreprises et les institutions du pays faisant du commerce avec la Russie contre le risque de sanctions à leur égard ». Il y évoque un « risque accru » pour ces sociétés face « aux tentatives de la Russie d’utiliser » la Turquie « pour échapper aux sanctions ». La réaction laconique et non-intimidé du ministre des finances turc fait dire à Nicolas Bourcier, l’envoyé spécial du Monde, : « A huit mois d’élections cruciales, les ports turcs de Mersin, d’Istanbul et d’Izmir ont de beaux jours devant eux. »
L’observatoire de la Turquie contemporaine