Un amendement en cours d’élaboration sur les « agents d’influence » menace de prison les journalistes qui travaillent pour des médias financés par des fonds internationaux. Une telle mesure législative mettrait en péril le travail des médias indépendants. Reporters sans frontières (RSF) exhorte le gouvernement turc à abandonner ce projet.
Reporters sans frontière (RSF), le 14 mai 2024
Le parti au pouvoir du président Recep Tayyip Erdogan, le parti de la Justice et du Développement (AKP), s’apprête à soumettre à l’Assemblée nationale une proposition d’amendement législatif qui prétend combattre les « agents d’influence ». Il est susceptible de menacer le journalisme indépendant et la liberté d’expression.
D’après l’agence de presse ANKA, un des articles du texte s’ajoutera à l’article 339 du Code pénal turc. Il stipule que mener « des recherches allant à l’encontre de la sécurité de l’État ou de ses intérêts politiques intérieurs ou extérieurs et portant sur les citoyens, institutions ou organisations turcs ou les étrangers vivant en Turquie et répondant aux intérêts stratégiques ou instructions d’un État ou d’une organisation étrangère est passible d’une peine de trois à sept ans de prison ».
« Compte tenu de la pratique judiciaire répressive désormais bien connue en Turquie, nous craignons que ce projet d’amendement au Code pénal menace d’emprisonnement tout journaliste travaillant pour un média qui survit grâce aux fonds internationaux. Dans ce texte, il n’y a malheureusement aucun garde-fou pour prévenir les abus judiciaires. Si cette législation à formulation large et vague est adoptée par le Parlement, tout journaliste qui dérange le pouvoir pourra facilement être pris pour cible en tant qu’agent d’influence qui aurait prétendument soutenu la thèse ou les intérêts d’un pays étranger.”
Erol Onderoglu
Représentant spécial de RSF en Turquie
Le gouvernement d’Erdogan continue de miner le terrain de la liberté d’expression et de la presse en Turquie, et même au-delà de ses frontières puisque le texte concerne également les citoyens, institutions et organisations turcs situés dans un État étranger. Après l’instrumentalisation de la législation sur la “désinformation” envers une trentaine de journalistes en 18 mois, l’incrimination fourre tout d’agents d’influence risque d’affaiblir encore plus l’exercice du journalisme libre, pluraliste et indépendant en Turquie.