20 Minutes rapporte le 1er mars 2023. Le 6 février, un séisme d’une magnitude de 7,8 a frappé la Turquie, ainsi que la Syrie. D’après le dernier bilan publié mercredi par l’Agence France presse, 50.000 personnes – dont près de 44.000 en Turquie – ont péri lors de cette catastrophe naturelle. De nouvelles répliques sont également survenues en Turquie lundi 20 février avec deux nouveaux séismes de magnitude 6,4 et 5,8 qui ont frappé la province turque de Hatay, au sud du pays.
Sur les réseaux sociaux, les séismes sont devenus l’objet de multiples fantasmes. Plusieurs internautes lient les événements au projet Harp et accusent les Etats-Unis de fabriquer ces secousses. D’autres encore observent des comportements anormaux chez les animaux ou dans le ciel, des signes qui serait avant-coureurs et nous permettraient d’éviter le pire. 20 Minutes fait le point entre imaginaire et réalité.
Ce qui est vrai
Pour commencer, il est sans doute important de rappeler ce qu’est un séisme. Qui de mieux pour cela que Lucile Bruhat, experte en analyste des risques et docteure en géophysique et spécialiste des tremblements de terre. « Un séisme, c’est la conséquence d’une rupture de roche en profondeur. Si on imagine un caillot qui se fend en deux, cette rupture va émettre des ondes qui vont se propager dans le sol. Ce sont ces ondes qui produisent un mouvement du sol ». De son côté, le sismologue Michel Campillo rappelle que le séisme est provoqué par l’extrême rapidité du mouvement.
Depuis toujours, les catastrophes naturelles impressionnent, certainement car elles prennent naissance à des kilomètres sous nos pieds. « Les tremblements de terre sont un phénomène très perturbant parce qu’ils nous font perdre nos repères habituels. On a toujours cherché des explications et jusqu’à relativement récemment, elles étaient très ambiguës », souligne Michel Campillo. Avant le XIXe siècle – date à laquelle un véritable lien est fait entre les ondes, la roche et les vibrations – les séismes étaient cantonnés à une pensée magique, rappelle le sismologue. « Il y avait même une connotation religieuse, comme une sorte d’intervention divine ».
Ce qui est inexact
Mais existe-t-il des signes annonciateurs avant un séisme ? Non, regrette les experts. « Nous sommes incapables scientifiquement de dire quand cette cassure arrivera. Ça serait un peu le graal en sismologie », imagine Lucile Bruhat.
Dans le cas de la Turquie, plusieurs vidéos sur les réseaux sociaux ont montré l’étrange comportement des oiseaux dans le ciel et des internautes ont même imaginé que les animaux auraient pu prédire les séismes. Il n’existe en réalité aucune preuve scientifique pour montrer l’incidence entre les deux phénomènes. Pour le sismologue Michel Campillo, ce sont les mêmes liens imaginés avec les aboiements des chiens. « A l’inverse, nous ne pouvons pas montrer de preuve inverse et prouver qu’aucun chien aboie ». Dans le cas des oiseaux, ils pourraient toutefois ressentir certaines vibrations, sans pour autant prédire les futures secousses.
Sur Facebook, la publication d’un éclair bleu dans le ciel a également été massivement relayée. « Le phénomène a été filmé, juste avant les secousses qui ont frappé la Turquie, hier. Le phénomène a été filmé, juste avant les secousses qui ont frappé la Turquie, hier ». En réalité, l’explication est très simple, selon Michel Campillo. « Ces éclairs sont un mélange entre ce qu’il s’est passé pendant le tremblement de terre et ce qu’il s’est passé avant ». Ce n’est pas un éclair naturel, mais un éclair provoqué par l’électricité. « Ça se produit à cause des arcs électriques et des fils électriques qui se mettent à bouger à cause des vibrations ».
D’autres photographies circulent également montrant des phénomènes étranges dans le ciel, notamment l’apparition d’un OVNI. Pour Lucile Bruhat, cet imaginaire correspond à des patterns où l’être humain cherche à trouver des réponses à un événement anormal pour se rassurer. Mais pour l’experte en analyste des risques, des phénomènes surviennent en continu dans le ciel sans vraiment qu’on les remarque.
Ce qui est très peu probable
Les séismes ont également inquiété des internautes pour leur lien avec le projet Haarp. « Il faut qu’une enquête internationale détermine si Haarp est à l’origine de cette catastrophe et qui l’a éventuellement commanditée. Sans oublier que le projet Haarp était à l’origine de Fukushima et plein d’autres séismes et tsunami », peut-on par exemple lire sur Twitter. Des journalistes turques auraient même affirmé plus tôt que ces tremblements de terre étaient causés par des « moyens artificiels ».
Pour rappel, derrière l’acronyme du projet Haarp [High frequency active auroral research program] se cache un programme de recherche américain basé en Alaska qui étudie la ionosphère, la couche supérieure de l’atmosphère. Depuis des années, ce projet est pointé du doigt car il servirait en réalité « d’arme secrète de destruction massive ». « Le projet Haarp est un mythe qui existe depuis une vingtaine d’années et qui revient à chaque fois lors des grands séismes. Mais l’être humain ne pourrait pas et ne s’aventurerait pas à déclencher un séisme de l’ampleur de celui survenu en Turquie », avance Lucile Bruhat.
Ce qui peut être réellement fait
Pour le sismologue Michel Campillo, il est possible de déclencher un séisme, mais d’une bien plus petite taille, notamment lors d’opérations d’injection de fluide. « Quand on injecte des fluides, on peut déclencher des tremblements de terre parce que les conditions des roches étaient prêtes au tremblement de terre. Mais pour provoquer un séisme comme en Turquie, il faut des conditions géologiques à l’échelle régionale avec des stockages d’énergie absolument colossaux. Ce n’est pas quelque chose qu’on pourrait décider de créer et ça demanderait de l’énergie sans comparaison avec ce que l’on peut faire ».
Des précédents cas sont par exemple survenus en Oklahoma ou au Texas lors d’exploration pétrolière liée au gaz de schiste, cite Lucile Bruhat. « L’eau utilisée dans l’exploration pétrolière était réinjectée en profondeur proche de failles déjà existantes. Ça a accentué la pression et ça pu déclencher de petits séismes ». Ces séismes qu’on appelle « induits » ne peuvent par contre pas dépasser une magnitude de 5,5, voire 6.