En Turquie, une coalition de six partis d’opposition vient de désigner Kemal Kiliçdaroglu comme candidat unique face au président Recep Tayyip Erdogan, au pouvoir depuis vingt ans. Camille Neveux rapporte in Le Journal Du Dimanche du 12 mars 2023.
Panser les plaies. » C’est avec ce mot d’ordre que le président turc, Recep Tayyip Erdogan, candidat à sa succession, a lancé vendredi depuis le palais d’Ankara sa campagne pour les élections présidentielle et législative du 14 mai. « Le processus électoral ne peut se transformer en plateforme de luttes politiques vicieuses », a averti le chef de l’État. Selon lui, les circonstances liées au séisme, qui a causé la mort de plus de 46 000 personnes, imposent une « campagne sans musique ».
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Alliance inédite
Si le ton était grave, c’est aussi parce que le reis de 69 ans, au pouvoir depuis vingt ans, pourrait, pour la première fois depuis 2003, se faire battre dans les urnes. Conséquence d’une alliance inédite, l’opposition a désigné lundi un candidat unique, Kemal Kiliçdaroglu, leader du parti social-démocrate CHP créé par Mustafa Kemal Atatürk, fondateur et premier président de la République turque.
Économiste de formation, cet ancien haut fonctionnaire de 74 ans représentera dans la course pas moins de six partis allant du centre gauche à la droite extrême, dont l’alliance est appelée la « Table des six » : sa formation, le CHP, mais aussi le Bon Parti (national-conservateur), le Parti démocrate (centre droit), le Parti de l’avenir ainsi que celui de la démocratie et du progrès (libéraux-conservateurs) fondés par les anciens ministres des Affaires étrangères et de l’Économie d’Erdogan, et même un petit parti islamiste, Saadet.
Des sondages favorables
« Nous sommes très proches aujourd’hui de renverser le trône des tyrans », a prévenu Kemal Kiliçdaroglu, alors que les dernières enquêtes lui donnent l’avantage, avec 55,6 % des intentions de vote contre 44,4 % pour Erdogan, selon un sondage Aksoy réalisé mercredi.
Reste désormais à savoir quel rôle jouera la troisième formation du pays, le parti prokurde HDP, restée jusqu’ici à l’écart de toute union. À la présidentielle de 2018, son candidat avait recueilli 8,40 % des suffrages. Il se murmure que le HDP pourrait ne pas investir de candidat pour favoriser celui de la Table des six.
Autre inconnue, la capacité de l’État à organiser le scrutin dans les zones sinistrées, alors que des milliers de personnes sont déplacées, sans abri ou sans papiers, ouvrant un boulevard à la contestation des résultats quels qu’ils soient.
Camille Neveux rapporte in Le Journal Du Dimanche du 12 mars 2023.