Alors qu’il avait stagné en octobre, le taux d’inflation est reparti à la hausse en novembre. La Turquie est l’un des pays avec la plus forte hausse des prix et ces derniers pourraient monter jusqu’à 65% sur un an fin 2023 avant de redescendre grâce à la mise en place tardive d’une politique monétaire restrictive.
Le 4 décembre 2023, La Tribune.
Et voilà un nouveau plus haut. L’inflation en Turquie a grimpé en novembre à 61,98% sur un an, alors qu’elle avait atteint 61,36% en octobre, selon les données officielles publiées ce lundi. Elle a toutefois légèrement baissé de 3,43% à 3,28% sur un mois. La hausse des prix est aussi moins pesante qu’en octobre 2022, où elle s’affichait à 85,51% sur un an. Reste que l’actuelle gouverneur de la banque centrale turque, Hafize Gaye Erkan, a estimé le 2 novembre que l’inflation pourrait atteindre 65% fin 2023 et baisser à 36% fin 2024. Si ces chiffres sont très élevés, ils restent contestés par les économistes indépendants du Groupe de recherche sur l’inflation (Enag), qui calculent la hausse des prix à la consommation à 129,27% en glissement annuel en novembre.
Prise dans une spirale de dévaluation et d’inflation, la Turquie connaît une inflation à deux chiffres sans discontinuer depuis fin 2019, rendant le coût de la vie difficilement supportable pour de nombreuses familles. Les loyers, notamment, ont augmenté en moyenne de 121% sur un an en Turquie. Une hausse qui atteint 188% dans certaines grandes villes comme Ankara, la capitale, selon une étude publiée en août par l’université de Bahçesehir.
Pour apaiser les tensions sociales qui montent dans le pays, depuis les élections de mai et la reconduction au pouvoir de Recep Tayyip Erdogan, l’exécutif a dû changer de braquet. La nouvelle équipe à la tête de la Banque centrale et du ministère de l’Economie a fait remonter le taux directeur de 8,5% à 40% le 23 novembre dernier. Aujourd’hui, le taux turc est au plus haut niveau depuis l’arrivée au pouvoir du président Erdogan en 2003. A titre de comparaison, ils sont compris entre 4 et 4,75% dans la zone euro et entre 5 et 5,25% aux Etats-Unis.
Le niveau du resserrement monétaire est « très proche du niveau requis pour établir le cap de la désinflation. En conséquence, le rythme du resserrement monétaire ralentira et le cycle de resserrement s’achèvera dans un court laps de temps », a souligné l’institution dans un communiqué.
Selon des analystes, une hausse finale du taux directeur de 2,5% pourrait avoir lieu lors de la prochaine réunion de la banque centrale le 21 décembre. La banque centrale a aussi affirmé que le resserrement monétaire « sera maintenu aussi longtemps que nécessaire pour garantir une stabilité durable des prix », rejoignant ainsi la ligne adoptée par de très nombreuses autorités monétaires, comme la Fed et la BCE.
Lors de sa campagne de réélection, Recep Tayyip Erdogan s’était engagé à ne jamais autoriser la banque centrale à relever son taux directeur tant qu’il serait président. Devant la grogne grandissante, il a été contraint de changer de cap. Il a ainsi nommé une nouvelle équipe d’économistes respectés, formés à Wall Street et dans le privé, chargés de sortir la Turquie de la crise.
Porte-t-elle ses fruits pour autant ? Selon les données officielles, la hausse des coûts d’emprunt a déjà commencé à ralentir la consommation – un objectif clé de la banque centrale. Tenant compte de ces premiers résultats, l’agence de notation Standard & Poor’s a révisé la note de la Turquie de stable à positive à long terme, en novembre.
« L’inflation semble avoir atteint un pic », a estimé l’agence de notation qui a néanmoins rappelé que « la réinitialisation de la politique prendra au moins deux ans pour maîtriser l’inflation »
La livre turque et le PIB au plus bas
La banque centrale aurait, selon les estimations, dépensé plus de 200 milliards de dollars pour tenter de soutenir la livre turque au cours des deux dernières années. Les nouveaux responsables de l’économie et des finances, en poste depuis juin, ont décidé de laisser la monnaie s’affaiblir afin d’alléger la pression sur ses réserves. Résultat, la monnaie turque a baissé de plus de 35% sur un an face au dollar américain pour s’établir à 28 livres turques pour un dollar.
« Il semble que la banque centrale ait actuellement bloqué la livre turque, avec un objectif probable d’environ 30 livres pour un dollar à la fin de l’année », a estimé la banque ING, dans une note récente.
En contrepartie, les analystes considèrent que les interventions répétées sur la monnaie commençaient également à éroder la compétitivité des principales exportations turques. Et la nouvelle politique monétaire amène déjà des premiers ralentissements de l’économie. Le produit intérieur brut (PIB) de la Turquie n’a augmenté que de 0,3% entre juillet et septembre. Il avait augmenté de 3,3% entre avril et juin. « La banque centrale accueillera ces chiffres comme une preuve que la demande se refroidit et que les pressions inflationnistes continuent de s’atténuer », a estimé Liam Peach de Capital Economics