Abdullah Öçalan, le fonadateur du PKK, a affirmé que le rapprochement entre Turcs et Kurdes était une « responsabilité historique », se disant « déterminé » à participer au processus de paix lancé en Turquie, a indiqué dimanche 29 décembre le parti turc pro-kurde DEM après lui avoir rendu visite la veille en prison.
Deux députés du DEM (Parti de l’égalité des peuples et de la démocratie) se sont entretenus samedi avec le chef du PKK (Parti des travailleurs du Kurdistan), emprisonné à vie sur une île au large d’Istanbul. Une première visite depuis dix ans : le prédécesseur du DEM, le parti HDP (Parti démocratique des peuples), l’avait vu pour la dernière fois en avril 2015.
Le gouvernement du président Recep Tayyip Erdogan avait approuvé vendredi la demande du DEM de rendre visite au dirigeant kurde, âgé de 75 ans. Ce dernier est détenu depuis 25 ans dans l’île-prison turque d’Imrali.
Le PKK, organisation séparatiste kurde, en lutte armée depuis des décennies contre le pouvoir central turc, est classé comme une organisation « terroriste » par la Turquie ainsi que par les États-Unis, l’Union européenne et le Royaume-Uni.
La visite de samedi est devenue possible après que l’allié nationaliste du président turc Recep Tayyip Erdogan, le chef du parti ultranationaliste MHP (Parti d’action nationaliste), Devlet Bahceli, a invité Abdullah Öçalan à venir devant le Parlement pour renoncer au « terrorisme » et dissoudre le groupe militant.
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« J’ai la compétence et la détermination nécessaires pour apporter une contribution positive au nouveau paradigme lancé par M. Bahceli et M. Erdogan », a déclaré Abdullah Öçalan selon le communiqué du DEM. Il a également dit, selon la même source, que la délégation qui lui a rendu visite allait partager son approche avec l’État et les cercles politiques. « À la lumière de cela, je suis prêt à prendre les mesures nécessaires et à lancer cet appel. »
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« L’heure est désormais au courage pour une paix honorable »
Le co-président du DEM, Tuncer Bakirhan, voit dans les propos cités d’Öçalan « une opportunité historique de construire un avenir commun », dans un message posté sur X. « Nous sommes à la veille d’une potentielle transformation démocratique en Turquie et dans la région. L’heure est désormais au courage […] pour une paix honorable », a-t-il déclaré.
L’idée lancée par Devlet Bahçeli, farouchement hostile au PKK, a suscité un débat public depuis octobre, Erdogan la saluant comme une « fenêtre d’opportunité historique ». Mais un attentat terroriste perpétré en octobre contre une entreprise de défense turque à Ankara, qui a fait cinq morts et revendiqué par des militants du PKK, a douché les espoirs.
Pour l’universitaire Mesut Yeğen, cette soudaine reprise des négociations est liée aux bouleversements géopolitiques récents au Proche et au Moyen-Orient, explique-t-il au micro de Céline Pierre-Magnani, envoyée spéciale à Diyarbakir.
« La Turquie a bien essayé d’utiliser l’armée nationale syrienne, mais elle n’a pas réussi à devenir un acteur important sur le terrain », explique-t-il. « Il faut voir la chose suivante : l’Iran n’est plus aussi puissant qu’avant en Syrie et en Irak, et le fait qu’il perde en influence a créé un vide. Or, si la Turquie ne parvient pas à s’entendre avec les Kurdes pour combler ce vide, il y a un risque que l’axe entre les États-Unis et les Kurdes se renforce. »
Puis Mesut Yeğen ajoute : « Si cela arrive, alors cela pourrait modifier les équilibres qui sont en train de se former entre les Kurdes et la Turquie. Compte tenu du vide régional qu’a généré le repli de l’Iran, la Turquie veut y répondre en faisant la paix avec les Kurdes. Le désarmement, un accord sur le Rojava, la situation d’Öçalan et des autres prisonniers politiques en Turquie sont autant de points qui seront abordés aux cours de négociations, et enfin, bien sûr, une modification de la Constitution », souligne-t-il.