Nouvel épisode en Turquie du bras de fer entre la Cour constitutionnelle et le président Erdogan. Dans un arrêt datant de l’automne dernier, mais dont le contenu n’a été publié que mardi au Journal officiel, la haute juridiction annule 37 dispositions d’un texte symbolique : le premier décret-loi signé par Recep Tayyip Erdogan après l’entrée en vigueur de son régime hyper présidentiel, en juillet 2018. La Cour avait été saisie par l’opposition, qui salue cette décision.
Avec correspondante de RFI à Istanbul, Anne Andlauer
Du côté de l’opposition, on applaudit un « coup » porté à Recep Tayyip Erdogan et à son régime, mais on estime que cette décision ne présage rien de bon pour la Cour constitutionnelle et ses membres. « Monsieur Erdogan va les considérer d’abord comme des traîtres, ensuite comme des terroristes », prédit Mustafa Yeneroglu, député du parti Deva, ancien proche du chef de l’État.
Dans son arrêt, la Cour estime que certaines compétences accordées à la présidence de la République et à des ministères violent la Constitution, ou qu’il aurait fallu en passer par la loi – c’est-à-dire par le Parlement – pour les faire adopter. Par exemple, celle qui permet à la présidence d’employer pendant trois ans des juges et des procureurs. Ou celle, également annulée, qui l’autorise à « collecter des informations » sur les hauts fonctionnaires. Une autre encore, qui confie au ministère de l’Urbanisme des compétences normalement dévolues aux mairies.
Pour Recep Tayyip Erdogan, c’est un nouveau camouflet de la Cour constitutionnelle – la seule institution qui peut encore se prévaloir d’une certaine indépendance. Le président a fustigé certaines de ses décisions récentes – notamment celle qui exige la libération du prisonnier politique Can Atalay – et appelé à une réforme de la plus haute juridiction.