En Turquie, à dix semaines seulement de l’élection présidentielle que Recep Tayyip Erdogan peut plus que jamais espérer remporter. Le président turc sera certainement avantagé par l’explosion de l’opposition qui, vendredi, a échoué à choisir un candidat commun pour lui faire face. Radio France Internationale rapporte le 4 mars 2023.
L’alliance de six partis de l’opposition turque s’est fracturée vendredi sur le choix d’un candidat commun pour affronter le chef de l’État sortant Recep Tayyip Erdogan à la présidentielle du 14 mai.
Le chef de l’État turc, au pouvoir depuis vingt ans et candidat à sa propre succession, a annoncé mercredi maintenir les élections présidentielle et législatives à la date prévue, malgré le séisme dévastateur du 6 février qui a fait plus de 45 000 morts.
Le Bon Parti (nationaliste), la deuxième plus importante formation de l’alliance de l’opposition, a refusé de se ranger derrière la candidature de Kemal Kiliçdaroglu, le chef du Parti républicain du peuple (CHP, social-démocrate), le principal parti d’opposition.
Dans une allocution télévisée, la fondatrice et présidente du Bon Parti, Meral Aksener, a déploré le choix de Kemal Kiliçdaroglu, estimant qu’il résultait de « petits calculs » contraires à l’intérêt général des Turcs. « Depuis hier, la Table des Six (le surnom de l’alliance de l’opposition, NDLR) a perdu sa capacité à refléter la volonté de la nation », a déclaré la seule figure féminine de l’opposition. « Cette alliance n’est plus une plateforme de bon sens où l’on peut discuter des candidats potentiels : elle est devenue un bureau de notaires travaillant à l’approbation d’un seul candidat », a-t-elle dénoncé.
Revirement inattendu
C’est un revirement de situation inattendu. Il existait bien des tensions entre le parti du CHP, le parti kémaliste, et le Bon parti (nationaliste). Mais la nécessité de faire front contre Recep Tayyip Erdogan permettait jusqu’à présent de dépasser les différends, rapporte notre correspondante à Istanbul, Céline Pierre-Magnani.
Alors que les autorités ont été très critiquées pour la gestion lacunaire de la catastrophe sismique du 6 février, la coalition avait un boulevard devant elle. Mais c’est sur le choix du candidat commun à la présidentielle que l’unité de façade a éclaté.
À la tête du principal parti d’opposition, Kemal Kiliçdaroglu pourrait faire figure de candidat naturel, mais les sondages ne lui sont pas aussi favorables qu’à d’autres. Le maire d’Istanbul Ekrem Imamoglu et le maire d’Ankara Mansur Yavas sont régulièrement donnés gagnants contre Recep Tayyip Erdogan. Mais le départ de Meral Aksener peut constituer une opportunité pour la coalition d’opposition qui pourrait se rapprocher de l’autre coalition d’extrême gauche, constituée autour du parti pro-kurde du HDP. Avec environ 12% des intentions de vote, une alliance pourrait permettre de compenser la perte du vote nationaliste du Bon parti.