Cinq personnes meurent chaque jour au travail en Turquie. Près de 2 000 accidents mortels du travail l’année dernière, 302 en janvier et février. Et ces accidents touchent notamment de plus en plus de jeunes travailleurs mineurs.
Régulièrement, leurs visages poupins s’affichent dans la presse d’opposition. Murat, 17 ans, tombé du 8ème étage d’un immeuble en construction, il n’y avait aucune mesure de sécurité dénoncent ses proches, pas même d’échafaudage. Arda, 14 ans, travaillait lui dans une usine de métallurgie. Sa tête s’est retrouvée coincée dans une machine-outil, Erol 15 ans, écrasé par des panneaux de particules dans un atelier de meubles…
En 2023, au moins 54 jeunes de moins de 18 ans ont été victimes d’accidents mortels au travail. 22 d’entre eux avaient moins de 14 ans. Les deux premiers mois de cette année, ils sont déjà 13. Et ces chiffres sont la fourchette basse en l’absence de statistiques officielles.
Car nous ne parlons pas là de travail dissimulé. Tous ces jeunes travaillent dans le cadre du MESEM, un programme d’apprentissage lancé en 2016 par le gouvernement AKP et qui permet à de jeunes collégiens ou lycéens de faire une année professionnalisante. Ils vont une journée par semaine en cours et sont employés dans des usines ou sur des chantiers les 4 autres jours. 1 million et demi de jeunes y sont inscrits dont 300 000 ont moins de 18 ans. Mais comme le ministère de l’éducation nationale ne publie aucune donnée les concernant., les syndicats en sont réduits à éplucher la presse locale pour leur macabre comptabilité
Un tiers du salaire minimum
Ces apprentis sont en tous cas très recherchés : ils reçoivent 30% du salaire minimum et c’est le gouvernement qui prend en charge les cotisations sociales. Les syndicats estiment que ce programme n’a pour objet que d’offrir une main d’œuvre bon marché, voire d’exploiter le travail des enfants. Ils dénoncent l’absence de règles, de cadre instructeur, le manque d’inspections. Sur le papier la Turquie respecte les conventions internationales sur le travail des enfants mais dans les faits les lois sont peu ou pas appliquées.
Il faut ajouter que ceux qui entrent dans ce programme d’apprentissage manquent souvent leur jour d’école, trop fatigués. Ils ont souvent les mêmes horaires que les adultes. L’absentéisme scolaire est très élevé.
Depuis 2016 et l’instauration de ce système d’apprentissage, le nombre de jeunes de moins de 18 ans au travail a cessé de diminuer en Turquie.
Le travail des mineurs en hausse
Eh bien pas vraiment puisque, au-delà de ce programme d’apprentissage, le travail des mineurs augmente lui aussi de manière plus générale. Le gouvernement estime qu’en 2022 ils étaient près de 620 000 âgés de 15 à 17 ans, 100 000 de plus en 1 an. Employés dans le secteur agricole, le textile ou les mines.
Et la crise économique contraint un nombre croissant de familles pauvres à mettre leurs enfants au travail. Les apprentis, pour revenir sur leur cas, rapportent à la maison environ 160 euros. C’est donc un tiers du salaire minimum. Très précieux quand officiellement l’inflation atteint 67% sur un an. Elle est calculée à 122% par les économistes indépendants.