Recep Tayyip Erdoğan entame lundi 17 juillet une tournée de deux jours dans la région du Golfe. Le président turc commence par les Émirats arabes unis, puis passe par l’Arabie saoudite et le Qatar, lors d’un voyage dont le chef de l’État turc n’a pas caché l’objectif : attirer des investissements vers son pays. Avec une économie fragile et en proie à une inflation galopante, la Turquie compte sur les pétrodollars des riches monarchies pour se redresser. RFI, le 17 juillet 2023
Le président turc entame sa tournée pour chercher des investissements, mais aussi pour « remercier » ses partenaires du Golfe, selon l’expression que Recep Tayyip Erdoğan avait employée lui-même employé le 26 mai, deux jours avant sa réélection. Il avait dit vouloir exprimer sa « gratitude » envers « certains pays du Golfe » qui avaient « injecté de l’argent dans notre système ».
À un moment où la Banque centrale turque était en train de dilapider ses réserves de change pour empêcher un effondrement de la monnaie, les monarchies du Golfe injectaient des milliards de dollars dans l’économie turque. Cela notamment sous la forme de prêts et d’accords de swap, c’est-à-dire d’échanges de devises entre banques centrales. Car l’effondrement de la livre turque aurait pu compromettre les chances de victoire de Recep Tayyip Erdoğan.
Cela n’a pas empêché les réserves de la Banque centrale de se retrouver dans le rouge, une première depuis 20 ans, mais cela a « soulagé » l’économie, selon les mots de Recep Tayyip Erdoğan.
Retour à une politique « rationnelle » selon le gouvernement
Désormais réélu pour cinq ans, le président se tourne à nouveau vers les pays du Golfe pour reconstruire l’économie et il voit grand : il espère dans un premier temps au moins 10 milliards de dollars de promesses d’investissements directs à l’issue de ce voyage, puis 30 milliards à plus long terme. Notamment dans des secteurs tels que l’énergie, les infrastructures et l’industrie de défense.
Depuis sa réélection, Recep Tayyip Erdoğan s’efforce de redonner confiance dans l’économie turque aux investisseurs étrangers. Son nouveau ministre des Finances Mehmet Simsek et la nouvelle gouverneure de la Banque centrale Hafize Gaye Erkan ont signalé un retour à une politique « rationnelle ». Recep Tayyip Erdoğan a également autorisé la Banque centrale à relever ses taux le mois dernier, une première depuis plus de deux ans.
La Turquie a besoin de cet argent pour rebondir. Après avoir dépassé 85 % en octobre, l’inflation a certes baissé grâce au changement radical de la politique des taux, mais elle dépasse encore 38 %. Les réserves de change de la Banque centrale turque sont au plus bas. Et il ne faut pas que la croissance prévue à 3,2 % cette année par la Banque mondiale s’essouffle.
Mais les pays du Golfe ne suffiront pas. La fragilité de l’économie turque est en partie due à la fuite des capitaux provenant de pays occidentaux, notamment de l’Union européenne, ces dernières années. Pour les attirer à nouveau, Recep Tayyip Erdoğan a non seulement révisé sa politique économique, mais il se montre aussi plus conciliant envers les Occidentaux, comme on l’a vu la semaine dernière au sommet de l’Otan.
Après des années de tensions, un réchauffement des relations Turquie-Golfe
Cette tournée est aussi un symbole du virage diplomatique du président turc vers une politique étrangère moins conflictuelle, moins idéologique, qu’il a opéré ces dernières années pour des raisons purement pragmatiques : économiques.
Si les relations ont toujours été bonnes avec le Qatar, elles étaient exécrables avec l’Arabie saoudite et les Émirats arabes unis jusqu’en 2021. Après des années de tensions liées aux « printemps arabes » et à la crise entre ces pays et le Qatar, Recep Tayyip Erdoğan avait également coupé les ponts avec le prince héritier saoudien Mohammed ben Salmane en réaction à l’assassinat du journaliste saoudien Jamal Khashoggi au consulat saoudien d’Istanbul.
Les Émirats eux avaient été publiquement accusés de soutenir la tentative de coup d’État à laquelle Recep Tayyip Erdoğan avait échappé en 2016.
Ces dernières années, le président turc et les dirigeants de ces États multiplient les accolades. Cela à la plus grande satisfaction des plus de 200 femmes et hommes d’affaires qui suivront Recep Tayyip Erdoğan dans sa tournée des pays du Golfe.
Anne Andlauer est correspondante à Istanbul pour plusieurs radio francophones, dont Radio France, RFI, la RTS et la RTBF