Turquie: de nombreux maires d’opposition et le barreau d’Istanbul visés par la répression du pouvoir/ Céline-Pierre Magnani/RFI

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RFI, le 25 février 2025

Plusieurs vagues d’arrestations dans différents milieux (patronat, médias, justice, élus locaux) ont crispé l’atmosphère politique en Turquie ces dernières semaines. Un nouveau maire, élu du parti pro-kurde DEM, a été arrêté lundi 24 février et Ekrem Imamoğlu, maire d’Istanbul fait l’objet d’une nouvelle procédure judiciaire.

En Turquie, pas un jour ne se passe sans l’annonce d’une arrestation ou de poursuites judiciaires contre des représentants de l’opposition et de la société civile.

Lundi, c’était le cas du maire de Kağızman, petite ville appartenant à la grande municipalité de Kars, au nord-est du pays et près de la frontière avec l’Arménie. Mehmet Alkan a été démis de ses fonctions. Ce membre du parti pro-kurde DEM a pourtant été démocratiquement élu en mars 2024, mais il a été condamné par la justice à six ans et trois mois de prison pour « appartenance à une organisation armée ». Il a ensuite été remplacé par un administrateur d’État.

C’est le douzième maire de l’opposition à subir le même sort en moins d’un an. Le pouvoir renoue ainsi avec des pratiques autoritaires qui avaient marqué la fin des années 2010 dans les régions kurdes.

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Les élus ne sont pas les seuls à être inquiétés par la justice. Les représentants de la plus puissante organisation patronale, l’Association turque de l’industrie et du commerce (TÜSIAD), ont subi les foudres du président Recep Tayyip Erdoğan pour avoir critiqué la dérive autoritaire du pouvoir, mais aussi une trentaine de journalistes, artistes et militants politiques ont été emprisonnés la semaine dernière.

Une certaine cohérence se dégage des profils des personnes ciblées : il s’agit soit de voix critiques de l’effondrement de l’État de droit, soit de personnalités actives sur le dossier kurde.

Le très respecté barreau d’Istanbul visé par une procédure judiciaire

Autre exemple, le barreau d’Istanbul est, lui aussi, visé par une procédure judiciaire. Cette chambre professionnelle est très respectée, mais elle critique sans relâche les étapes de l’effondrement de l’État de droit en Turquie : elle n’hésite pas à également émettre des critiques sur le traitement officiel du dossier kurde.

C’est la raison pour laquelle une procédure a été lancée le 22 décembre dernier pour « propagande terroriste ». Le barreau avait en effet réagi à l’assassinat de deux journalistes d’origine kurde par des drones turcs. Nazim Dastan et Cihan Bilgin couvraient les combats entre les forces pro-turques et les forces pro-kurdes dans le nord-est de la Syrie quand ils ont été abattus.

Pour rappel, le pouvoir a relancé le dialogue avec le mouvement kurde à l’automne, il pourrait même aboutir à l’annonce de la dissolution de l’organisation armée du Parti des travailleurs kurdes (PKK) PKK dans les prochaines semaines. Mais avec toutes ces arrestations, les autorités envoient un message clair : la neutralisation de PKK est bien l’unique objectif de la démarche et un retour à des pratiques respectueuses des principes démocratique n’est pas au programme.

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