L’agression d’une fillette à Kayseri a déclenché une vague de violences contre les ressortissants syriens dans plusieurs régions turques, qui a elle-même enflammé les régions de Syrie où l’armée turque est présente. Et ce alors que le président turc, Recep Tayyip Erdogan, multiplie les signes d’ouverture envers son homologue syrien, Bachar El-Assad.
Courrier International, le 6 juillet 2024
“Maisons détruites, magasins incendiés, voitures renversées.” Depuis près d’une semaine, les ressortissants syriens qui se sont installés en Turquie après avoir fui la guerre dans leur pays sont à nouveau la cible de “nombreuses émeutes violentes”, signe de la “haine” contre eux qui refait surface, écrit Turkey Recap.
Cette vague de violences a commencé le 30 juin à Kayseri, dans le centre du pays, après qu’un homme de nationalité syrienne a été accusé d’avoir abusé sexuellement d’une petite fille de 7 ans. Comme le souligne le site panarabe Raseef22, il a été établi plus tard que la victime était elle aussi syrienne et que l’agresseur était un membre de sa famille, mais le mal était fait.
Après avoir mis la main sur le suspect, livré de force aux autorités, des individus ont mené des expéditions punitives contre les Syriens dans la ville, obligeant la police à intervenir.
Les jours suivants, les Syriens ont été victimes d’attaques dans d’autres villes comme Hatay ou Gaziantep, près de la frontière avec la Syrie, mais aussi Konya ou Antalya, dans l’ouest de la Turquie, où un adolescent syrien a été mortellement poignardé.
“Campagne raciste”
Au total, près de 500 personnes impliquées dans ces violences ont été arrêtées, selon le ministère de l’Intérieur turc. Il est à noter, comme le souligne The Financial Times, que le président turc, Recep Tayyip Erdogan, a accusé son opposition d’alimenter “un discours de haine” contre les réfugiés syriens.
“Je vis des jours que je n’aurais jamais imaginé vivre”, écrit une Syrienne installée en Turquie sur le site syrien d’opposition Al-Jumhuriya, installé à Istanbul. Depuis les attaques de Kayseri, “j’ai adopté la solution d’urgence rapide que la plupart des Syriens en Turquie ont adoptée : se cacher chez soi”, et ce jusqu’à ce que cette “campagne raciste”, comme elle désigne ces événements, prenne fin.
Depuis le début de la guerre en Syrie en 2011, la Turquie a accueilli plus de 3 millions de Syriens, faisant du pays l’une des principales terres d’accueil des ressortissants syriens, avec le Liban et la Jordanie.
Comme l’écrit le quotidien turc anglophone Daily Sabah, aligné sur le pouvoir turc, “l’accueil d’un si grand nombre de réfugiés est devenu un fardeau” qui a eu, pour la Turquie, “un coût à de nombreux niveaux, que ce soit sur le plan social, politique ou économique”. Une situation qui a alimenté et installé ces dernières années une hostilité contre les réfugiés syriens au sein d’une grande partie de la population turque.
Drapeaux turcs arrachés
La nouveauté des événements de ces derniers jours, c’est qu’ils ont enflammé les régions du nord-ouest de la Syrie où l’armée turque et ses supplétifs syriens sont présents, mais également les zones rebelles échappant au contrôle du président syrien Bachar El-Assad.
Dans plusieurs localités de ces régions comme Afrin ou Azaz, des drapeaux turcs ont été arrachés, des véhicules militaires turcs caillassés et, dans certains endroits, des affrontements entre des protestataires syriens et les forces turques ont été signalés, faisant près d’une dizaine de victimes, rapporte le site syrien d’opposition Enab Baladi.
Mais “ce qui a le plus irrité les Syriens” opposés à Bachar El-Assad, c’est la volonté exprimée par Recep Tayyip Erdogan de se rapprocher du régime syrien, un rapprochement qui “les plonge dans l’inconnu”, explique le site libanais Daraj.
De nombreux opposants syriens “ne considèrent plus la Turquie comme leur plus grand protecteur, mais craignent désormais qu’elle ne les abandonne”, explique The New York Times.