« Les rumeurs concernant de prétendus pillages se répandent dans les régions touchées par le séisme, le tout alimenté par l’extrême droite. Donnant lieu à des scènes de lynchage, notamment contre des réfugiés, en particulier syriens » rapporte Courriel International du 16 février 2023.
Depuis plusieurs jours, la panique s’installe dans les régions de Turquie frappées le 6 février par un double séisme qui a causé au moins 40 000 morts selon un bilan provisoire. Alors que les secouristes viennent en aide aux derniers survivants trouvés sous les décombres et que les rescapés tentent de trouver un abri ou de gagner l’ouest de la Turquie, des rumeurs de pillage et d’affrontements se diffusent à travers le pays.
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Si les forces de l’ordre ont effectivement procédé à des arrestations de personnes ayant profité du séisme pour dévaliser des boutiques ou pour s’emparer de l’or que les Turcs gardent traditionnellement chez eux, ce vent de panique repose sur des rumeurs, note la presse turque.
Les accusations de pillage de l’aide humanitaire se multiplient également, mais ne sont pas toujours fondées. “Le pouvoir utilise ce sujet du pillage pour détourner la colère populaire, alors qu’il a échoué à aider à temps et correctement les victimes du séisme”, estime ainsi le quotidien de gauche Birgün.
Un homme mort durant sa garde à vue
Les scènes de lynchage se multiplient tandis que des policiers n’hésitent pas à se filmer torturant de vrais ou faux “pillards” sur les réseaux sociaux.
Dans la province du Hatay, Mehmet Özal et son cousin Yusufcan Yeral, rescapés du séisme après avoir passé des heures sous les décombres de leur immeuble, étaient partis en ville chercher des médicaments pour leur famille quand, à leur retour, ils ont été interceptés par les forces de l’ordre. “Ils nous ont passés à tabac sans aucune pitié alors que nous leur expliquions que nous étions des victimes du séisme et pas des pillards”, témoignent les deux frères, cités par le quotidien Hürriyet.
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Toujours dans cette province, le média en ligne Arti Gerçek rapporte qu’un jeune homme, Ahmet Güresçi, arrêté pour suspicion de vol, est décédé sous la torture dans un commissariat. Trois gendarmes impliqués dans l’affaire auraient été suspendus, indique le titre.
Les rumeurs les plus folles se propagent comme une traînée de poudre. Un influenceur turc, ancien participant d’une émission de cuisine à succès, a ainsi été arrêté pour avoir réalisé une vidéo où il indiquait avoir vu des “Afghans” couper les doigts de victimes du tremblement de terre pour s’emparer de leurs bijoux, souligne la version turque de The Independent.
Les réfugiés syriens, cible de l’extrême droite
Car les réfugiés, en particulier syriens, nombreux dans la région, sont particulièrement visés par les rumeurs. Ümit Özdag, le dirigeant du micro parti d’extrême droite Zafer Partisi, qui bénéficie d’un large écho sur les réseaux sociaux, ne s’est pas privé de relayer les accusations les plus fantaisistes, s’en prenant ainsi sur Twitter à un “Syrien” accusé de voler une montre à un secouriste et qui s’est avéré être lui-même un secouriste turc. Le message diffamatoire a été supprimé, rapporte le quotidien Evrensel.
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Alors qu’il était en visite dans la zone sinistrée, le dirigeant d’extrême droite a été pris à partie par un secouriste souligne le média en ligne Gazete Duvar, qui diffuse la vidéo de l’échange : “Ici tout le monde est venu nous aider, l’Europe, même la Grèce, nous en avons assez de vous entendre parler sans cesse des Syriens, des musulmans, des chrétiens, mettez plutôt des gants et donnez-nous un coup de main !”
Courrier international, le 16 février 2023.