Les machines du site de Bursa sont surveillées depuis Flins, dans les Yvelines, par une tour de contrôle numérique.
A Bursa, comme dans tous les sites du groupe, les machines équipées de capteurs envoient des données vers un gigantesque serveur informatique. Celles-ci sont traitées dans une tour de contrôle numérique, installée dans l’ancienne usine de Flins, dans les Yvelines.
Pour poursuivre son redressement et, surtout, faire face à la concurrence des constructeurs chinois, Renault a annoncé, jeudi 7 décembre, un plan de transformation de ses usines nommé Re-Industry, qui doit lui permettre de réduire ses coûts industriels de 30 % par véhicule thermique et de 50 % par voiture électrique d’ici à 2027. Son déploiement est déjà bien engagé. Thierry Charvet, directeur industriel du groupe, assure qu’il permet déjà de faire 270 millions d’euros d’économies cette année.
Démonstration à Bursa, en Turquie, dans l’usine de la Clio. Renault produit ici une Clio 5 par minute. Au total, 1 260 véhicules sortent chaque jour de la ligne de montage, qui tourne six jours sur sept, vingt-quatre heures sur vingt-quatre, avec trois équipes. Les opérateurs travaillent quarante-cinq heures par semaine. Le site, né d’un partenariat avec Oyak, le fonds de pension de l’armée turque, en 1969, pour produire des R12, ne fait pas ses 54 ans. L’usine est « la plus compacte du groupe »,selon Kaan Ozkan, le directeur d’Oyak-Renault, ce qui signifie que l’espace et les installations y sont hyperoptimisés.
Elle est très automatisée : les ingénieurs turcs affichent leur détermination à avoir les technologies les plus performantes. Aux journalistes qui visitent l’usine, ils font la démonstration des nombreuses innovations industrielles mises au point ici, avant d’essaimer dans le reste du groupe. Quatre cents millions d’euros d’investissements supplémentaires, notamment en recherche et développement, sont prévus par Oyak et Renault sur le site.
Une application industrielle de l’intelligence artificielle
Bursa, où travaillent 5 423 personnes, a commencé à connecter toutes ses machines au métavers du groupe : ce n’est pas un jeu vidéo où se promènent des avatars, mais un gigantesque serveur informatique vers lequel les machines, équipées de capteurs, envoient des données. Celles-ci sont traitées par quatre salariés dans une tour de contrôle numérique installée dans l’ancienne usine de Flins-sur-Seine (Yvelines), qui a cessé de produire des Clio au profit de la Turquie en 2019.
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A travers le monde, 12 000 machines lui envoient 3 milliards de données par jour. Flins peut ainsi surveiller le « jumeau numérique » de chaque usine du groupe et détecter, à l’aide d’algorithmes, les signes avant-coureurs d’éventuelles pannes. C’est l’une des applications industrielles de l’intelligence artificielle.
Dans l’atelier d’emboutissage de Bursa, Vincent Gouedard, analyste vibratoire à Flins, apparaît ainsi sur l’écran de Cüneyt Gençeli, chef d’atelier. Il lui partage le document de contrôle de la presse 31. Des sons et vibrations anormaux apparaissent sur un graphique. En analysant leur fréquence, il recommande de vérifier la poulie moteur. Ce sera fait, bien avant qu’un incident technique n’oblige à immobiliser la machine. Eviter les arrêts de production, c’est l’une des clés du plan de réduction des coûts.
Economies d’énergie
Autre exemple, dans le bâtiment de la tôlerie : une caméra filme le ballet des robots. Elle permet de déceler leurs mouvements inutiles, afin de les reprogrammer, pour économiser de l’énergie. Ils ont tous été équipés d’un système de « stop and start », comme les voitures, qui coupe leur moteur dès qu’ils sont à l’arrêt. Sur la ligne, un autre opérateur examine les robots avec une caméra thermique : celle-ci fait apparaître les éventuelles fuites d’air. « Ces fuites nous coûtent cher en énergie, car il en faut beaucoup pour faire de l’air comprimé », note Murat Tasdelen, le directeur de l’usine de Bursa. L’électricité en Turquie vient principalement du charbon et du gaz, en attendant que Oyak-Renault se dote d’une centrale solaire.
Mais la vraie révolution ne sera visible qu’au début de 2024. Aujourd’hui, Bursa fabrique des voitures de toutes les couleurs, y compris celles des auto-écoles du groupe ECF, mais uniquement des Clio. Début 2024, elle commencera aussi à produire le Duster, modèle vedette de Dacia, qui sera vendu en Turquie sous la marque Renault Duster et exporté dans les pays où la marque Dacia n’est pas ou peu présente. D’ici à 2026, deux nouveaux petits SUV Renault devraient faire leur apparition dans l’usine. Ils s’intercaleront entre les Clio.
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« Nos lignes sont devenues flexibles et peuvent fabriquer jusqu’à huit modèles différents, de taille variable », explique Thierry Charvet, collant à la demande du client. Ces modèles fabriqués en Turquie ont des moteurs thermiques ou hybrides. Une nouvelle génération de moteurs hybrides sera d’ailleurs produite sur place dès 2026 dans une ex-usine Renault, devenue Horse, codétenue par le chinois Geely. En France, Renault mise sur l’électrique, mais hors d’Europe, il multiplie les lancements de nouveaux modèles, à essence ou hybrides.