Le 14 mai prochain, la population turque est appelée à voter pour choisir son prochain président.Recep Tayyip Erdogan est candidat pour un troisième mandat.Face à lui, l’un de ses plus féroces opposants est soutenu par une large coalition et par un parti pro-kurde. Par Benoît Leroy, TF1 Info, le 30 avril 2023.
À 69 ans, Recep Tayyip Erdogan va-t-il réussir à décrocher un troisième mandat consécutif à la tête de la Turquie ? Au pouvoir depuis 2014, le président conservateur affronte pour la première fois une opposition unie lors des élections générales du 14 mai prochain, en Turquie. Organisée en même temps que les législatives, cette élection est annoncée comme très serrée selon les sondages.
Bien décidé à se maintenir cinq ans de plus à la tête de son pays de 85 millions d’habitants, Erdogan a face à lui trois prétendants, dont son principal adversaire : Kemal Kiliçdaroglu, 74 ans. Le candidat est porté par une alliance de six partis d’opposition allant de la droite nationaliste à la gauche démocrate. Surtout, il a reçu le 28 avril dernier le soutien d’un parti pro-kurde. Or, cette population représente près d’un habitant sur 4 en Turquie, selon un recensement datant de 2014.
Entre l’AKP islamo-conservateur d’Erdogan et le CHP, laïque par essence, de Kiliçdaroglu, les 64 millions d’électeurs turcs choisiront entre une pratique de plus en plus autocratique du pouvoir, teintée de religiosité, et la promesse d’un virage démocratique. Les sondages prédisent une présidentielle serrée, que les deux camps affirment pourtant pouvoir remporter au premier tour.
La gestion du séisme de février au cœur du scrutin
Dans un pays où l’inflation a dépassé les 85% en 2022, l’omniprésent Recep Tayyip Erdogan aura fort à faire pour séduire l’électorat, bien qu’il puisse compter sur un socle de 30% d’irréductibles partisans. Autre inconnue, l’impact du puissant séisme du 6 février, qui a fait plus de 50.000 morts et un nombre inconnu de disparus dans le sud du pays : le gouvernement a été accusé d’avoir tardé à déclencher les secours dans les régions dévastées, dont les habitants sont aujourd’hui dispersés ailleurs ou réfugiés sous des tentes et dans des conteneurs.
Les 3,4 millions de Turcs de l’étranger ont commencé à voter depuis le 27 avril dernier, et 5,2 millions de jeunes s’exprimeront dans les urnes pour la première fois. Ils n’ont connu qu’Erdogan et sa dérive autocratique depuis les grandes manifestations de 2013 et, surtout, le coup d’État raté de 2016. Pour surveiller la régularité du scrutin, l’opposition a mobilisé 300.000 scrutateurs et doublé le nombre d’avocats formés à surveiller les opérations électorales. 350 observateurs du Conseil de l’Europe seront également présents.
Une candidature litigieuse ?
Il n’en reste pas moins que la candidature – attendue de tous – annoncée en janvier de Recep Tayyip Erdogan a déclenché quelques remous juridiques. Et pour cause, la Constitution prévoit qu’une « personne peut être élue président au maximum deux fois ». Pour légitimer sa volonté de briguer un nouveau mandat, les proches d’Erdogan ont justifié que son premier mandat avait eu lieu sous un système politique différent, ne pouvant donc s’ajouter à celui courant actuellement. En outre, le scrutin a été convoqué par le Parlement, ce qui implique que le mandat est considéré comme non achevé et n’entrant pas dans le décompte des deux quinquennats consécutifs maximum. Erdogan peut donc se représenter.