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LLa politique étrangère n’est pas indépendante de la scène domestique. Celle-ci est drastiquement polarisée par la stratégie de Erdogan entre musulmans conservateurs et population sécularisée, entre un « nous » et « eux », produits discursifs de ce président. Cette stratégie s’emploie à éloigner la Turquie autant de sa propre histoire récente, celle de la république laïque, kémaliste, que du monde occidental, de ses valeurs, de ses régimes politiques et, finalement, de son mode de vie. En novembre 2019, à l’occasion de la sixième « convention de la religion » (Din surasi), Erdogan déclarait qu’il faudrait dorénavant installer l’islam au centre de la vie des citoyens turcs : « Ce n’est pas l’islam qui agira selon nous, c’est nous qui agirons selon l’islam. Même si cela nous est pénible, nous installerons au centre de notre vie, non les conditions de l’époque, mais les commandements de notre religion1. » Plus que des propos incantatoires, il faut voir une vraie annonce programmatique dans cette déclaration. En effet, cette injonction ponctue le discours de clôture de la convention dans lequel Erdogan expose son « analyse » concernant le retard de deux siècles des pays musulmans sur l’Occident. La principale cause de ce retard réside, selon lui, dans « l’abandon de la concertation [sura ou istisare] entre musulmans » : « Nous avons oublié la tradition que nous avions de nous concerter entre nous autres musulmans » disait- il, « et avons cherché les solutions à nos problèmes auprès des capitales occidentales. il est temps que l’umma se ressaisisse2. »
ÉLOIGNER LA TURQUIE DE SON HISTOIRE RÉCENTE. On peut lire, ici, une particularité du mode opératoire de Erdogan : il annonce de manière tout à fait provocatrice un projet qui bouscule les institutions politiques et administratives – ici, la laïcité – et les modes de pensée de la population. Il attend…
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