Ce lundi, Tayyip Erdogan a reçu à Ankara son homologue grec Kyriakos Mitsotakis. Dans une conférence de presse conjointe où régnait un climat d’entente cordiale, le dirigeant turc a cependant réitéré certains points de désaccord, dont la qualification du Hamas comme groupe terroriste.
France Culture, le 17 mai 2024
Avec Ahmet Insel Économiste, éditeur, journaliste et politologue turc
Erdogan en a même profité pour révéler que mille membres du Hamas sont actuellement soignés dans les hôpitaux turcs… Quel intérêt a Istanbul de dévoiler une telle information ? Quelle est la nature de la relation entre la Turquie d’Erdogan et le Hamas ?
Un soutien ancien et constant
Début mai, Erdogan recevait Ismaël Haniyeh, un dirigeant du Hamas, au palais de Dolmabahce à Istanbul. Un geste qui a éveillé la colère de Washington, annulant la visite du Président turc prévue aux États-Unis. Ahmet Insel, professeur émérite à l’université de Galatasaray à Istanbul et éditeur, rappelle « qu’Erdogan a toujours refusé l’idée de définir le Hamas comme une organisation terroriste. » Un positionnement source de discorde entre la Turquie et ses alliés de l’OTAN depuis plusieurs années et qui met Erdogan en porte-à-faux face à ses électeurs. « Lors des élections municipales du 31 mars dernier, Erdogan a été vivement critiqué sur sa position ambivalente entre condamnation d’Israël et maintien du commerce avec l’État hébreux, rappelle le chercheur. […] Erdogan a des relations anciennes avec les Frères musulmans dont le Hamas est issu. » Sa proximité vis-à-vis de l’organisation est donc un mélange de « convictions personnelles » et de tactique politique pour préserver son électorat conservateur.
Incarner un leadership
Les dirigeants des autres pays arabes se sont, en majorité, montrés plutôt prudents face au conflit, à l’image du Qatar qui s’est imposé comme un médiateur d’importance. La Turquie d’Erdogan a choisi une autre stratégie, ne cachant pas son indulgence pour le Hamas. Pour Ahmet Insel, le président turc joue la carte de la différence et cherche à montrer que « les dirigeants des pays arabes sont prudents et plutôt timorés. En contraste, il veut apparaître comme le défenseur de la cause musulmane face à l’oppression des puissances internationales. Il veut devenir le leader populaire du monde arabo-musulman. » Une quête de reconnaissance qui le met toutefois en position d’instabilité face à ses partenaires occidentaux.