« En vue du double scrutin électoral prévu en mai, l’opposition au président turc s’est divisée en deux coalitions, dont la principale ne parvient toujours pas à se mettre d’accord sur un candidat et un programme commun. En parallèle, Recep Tayyip Erdogan remonte légèrement dans les sondages, après une série de décisions économiques populistes prises en début d’année » rapporte Courrier International du 24 janvier 2023.
Les élections présidentielle et parlementaires turques se tiendront finalement le 14 mai 2023, a annoncé mercredi 18 janvier le président Recep Tayyip Erdogan. Mis à mal dans les sondages, le leader islamo-nationaliste espère pouvoir inverser la tendance d’ici à cette échéance cruciale.
Selon un sondage de l’institut Metropoll datant de fin décembre, publié par le quotidien Cumhuriyet, 50,7 % des personnes interrogées déclarent qu’elles ne voteraient pas pour Erdogan, tandis qu’elles ne seraient que 43 % à envisager de le soutenir.
Pour renverser la situation, le président turc peut compter sur un léger rebond de popularité provoqué par les importantes hausses du salaire minimum (de plus de 50 %), des pensions de retraite et des salaires des fonctionnaires annoncées pour la nouvelle année.
Il peut aussi profiter de l’accueil favorable dans l’opinion publique du durcissement de sa politique d’accueil envers les réfugiés syriens. Enfin, il dispose de leviers d’action pour mettre des bâtons dans les roues de l’opposition, comme il le fait déjà en menaçant d’emprisonnement le maire d’Istanbul et possible candidat présidentiel ou en menaçant d’interdire le parti pro-kurde HDP.
Une désunion qui profite à Erdogan
Surtout, Erdogan peut compter sur la désunion de l’opposition. Le parti HDP, qui défend notamment les droits de la minorité kurde du pays, a ainsi annoncé qu’il entendait faire cavalier seul pour l’élection présidentielle.
La coalition qu’il a formée avec de petits partis de gauche radicale devrait annoncer son candidat cette semaine. Ahmet Türk, l’un des responsables du HDP, rejette la faute sur l’autre coalition d’opposition, appelée “Alliance du peuple”, rapporte le média en ligne Gazete Duvar.
“Nous aurions aimé pouvoir former une coalition réunissant l’ensemble de l’opposition et défaire Erdogan dès le premier tour.”
Réunissant aussi bien le parti centriste du CHP que la droite, les conservateurs et même un petit parti islamiste, cette coalition a fait le choix de s’abstenir de mener un dialogue et des négociations avec le HDP, par crainte de voir lui échapper une partie des électeurs de droite et d’extrême droite déçus par Erdogan.
“L’Alliance du peuple veut se contenter de battre Erdogan et de diriger le pays à sa place, mais l’ambition du HDP va au-delà, estime le quotidien prokurde Yeni Yasam. Le HDP ne veut pas se satisfaire de monnayer son soutien pour obtenir quelques députés ou portefeuilles ministériels, il demande une démocratisation du pays et la fin des persécutions envers les Kurdes.”
Le difficile choix d’un candidat
Dans la perspective d’un second tour, les voix de la majorité des électeurs du HDP devraient néanmoins se tourner vers le candidat de l’opposition, sauf si ce dernier est issu de la droite dure. Car l’Alliance du peuple tarde à désigner un candidat et à afficher un programme commun.
Pressenti, le maire d’Istanbul, menacé d’emprisonnement par le pouvoir, est un pari risqué, son élection pouvant être annulée. Autre figure populaire, le maire d’Ankara est jugé néanmoins trop à droite. Reste le leader du CHP, le principal parti de la coalition, au charisme incertain, qui est considéré avec suspicion par certains électeurs. “Tous ces candidats ont des défauts, mais il faut désormais que l’opposition désigne rapidement son candidat, quel qu’il soit, et fasse bloc autour de lui”, s’inquiète un éditorialiste du média en ligne Diken.
Malgré la défiance apparente à l’égard d’Erdogan, les divisions de l’opposition et l’absence de programme et d’élan de campagne peuvent encore faire mentir les sondages. Le journaliste politique Murat Yetkin résume ainsi la situation sur son blog Yetkin Report : “Le pouvoir ne peut pas gagner, mais l’opposition, elle, peut perdre.”
Courrier International, 24 janvier 2023, Photo/Adem Altan/AFP