« Le président turc poursuit ses efforts de médiation dans le conflit russo-ukrainien. Il souhaite organiser à ce sujet, en Turquie, une “grande concertation” entre la Russie et quatre puissances occidentales, et c’est de ce projet qu’il va s’entretenir demain avec le président russe dans la capitale kazakhe » dit Laurence Habay dans Courrier International du 12 octobre 2022.
Jeudi 13 octobre, à Astana, capitale du Kazakhstan, doivent se tenir des pourparlers entre Recep Tayyip Erdogan et Vladimir Poutine, rapporte le journal russe Nezavissimaïa Gazeta. Ils comptent discuter, entre autres, de l’idée du président turc d’une “grande concertation” entre la Russie d’une part et quatre États soutenant l’Ukraine d’autre part – États-Unis, Royaume-Uni, Allemagne et France. Le ministre des Affaires étrangères russe, Sergueï Lavrov, a laissé entendre que le Kremlin attendait des “propositions sérieuses” de la part de Washington, poursuit le titre.
La rencontre entre Poutine et Erdogan est prévue dans le cadre de la Conférence pour l’interaction et les mesures de confiance en Asie (Cica), précise le quotidien moscovite Kommersant. Une organisation créée au Kazakhstan en 1992 et qui rassemble 27 États, de la Turquie à la Corée du Sud et de la Russie au Vietnam. Deux autres sommets se tiendront en parallèle : celui de la CEI (Communauté des États indépendants, comptant onze pays ex-soviétiques) et le format Russie-Asie centrale.
Alexandre Loukachenko, le président de la Biélorussie, qui est membre observateur de la Cica, fera également le déplacement.
“Étant donné le contexte géopolitique [essentiellement le conflit russo-ukrainien], je pense que, malgré les différents ordres du jour, les trois sommets aborderont tous la question de la proposition d’Erdogan”, a déclaré le directeur de l’Institut kazakh pour l’intégration eurasiatique, Ourazgali Selteev, interrogé par Kommersant.
Plus d’enthousiasme à Ankara qu’à Moscou
Les attentes concernant la rencontre entre les chefs d’État russe et turc sont cependant “plus élevées en Turquie qu’en Russie”, estime le titre russe, qui relaie l’optimisme du journal d’Istanbul Milliyet, selon lequel le plan d’Erdogan a été transmis à Washington, où la réaction aurait été “positive”.
La Nezavissimaïa Gazeta avance prudemment que “Moscou sonde le terrain pour des pourparlers avec l’Occident” :
“Ni Kiev ni Washington n’ont montré d’intérêt prononcé pour la signature de nouveaux accords type Minsk [le protocole de Minsk avait été signé le 5 septembre 2014 avec pour objectif de mettre fin à la guerre du Donbass]. Cependant, l’Occident n’a pas non plus exprimé de refus catégorique de dialogue avec Moscou.”
Interrogé en conférence de presse, le porte-parole du Kremlin, Dmitri Peskov, a lâché que “la question d’éventuels pourparlers entre la Russie et les quatre États occidentaux peut tout à fait être débattue avec Erdogan”. Sergueï Lavrov a, pour sa part, affirmé à la chaîne de télévision Rossia 1 que la Russie n’était“pas contre des négociations sur l’Ukraine avec les États-Unis”, mais qu’il n’y avait “pas eu de propositions sérieuses d’entrer en contact de la part de la Maison-Blanche”.
Pour Moscou, un accord n’est pas impossible
Cependant, le chef de la diplomatie russe a tendu une perche à Washington : si, à l’occasion du sommet du G20 qui doit se tenir à Bali les 15 et 16 novembre prochains (et où la présence de Vladimir Poutine a été annoncée), une proposition de rencontre entre Biden et Poutine est transmise par la Maison-Blanche, “Moscou l’étudiera”, a-t-il indiqué.
Le ministre a même envisagé une rencontre entre les présidents russe et ukrainien, “malgré la signature d’un décret par Volodymyr Zelensky interdisant toute négociation avec Vladimir Poutine”, écrit la Nezavissimaïa Gazeta. “Après se l’être interdit, il peut, en fonction de son humeur du matin ou de ce à quoi il va employer sa journée, tout à fait l’oublier”, a lancé Sergueï Lavrov à propos du dirigeant de Kiev.
Ainsi, analyse le titre, malgré la demande très ferme de Zelensky à l’Occident lors du sommet du G7 le 11 octobre de financer un bouclier aérien après les attaques massives des forces russes perpétrées les 10 et 11 octobre contre de nombreuses infrastructures ukrainiennes, “le Kremlin ne conçoit pas comme impossible un accord sur l’Ukraine et ne considère pas que les ponts sont totalement coupés avec l’Occident”.
Courrier International, 12 octobre 2022, Laurence Habay, Photo/Mustafa Kamaci/Turkish Presidential Press Service/AFP