Après l’approbation de la Turquie, en janvier, la Hongrie était le dernier pays à bloquer l’intégration du pays scandinave à l’Alliance atlantique. Le vote des députés hongrois, lundi, va permettre à la Suède d’en devenir le trente-deuxième membre.
Il aura donc fallu patienter vingt et un mois. Vingt et un mois d’âpres négociations, de menaces et de promesses, accompagnées de moult génuflexions, pour aboutir enfin à cet épilogue : lundi 26 février, les députés hongrois ont adopté, à 188 voix contre 6, le protocole d’adhésion de la Suède à l’OTAN. Un vote qui lève le dernier obstacle à un processus entamé juste après l’invasion de l’Ukraine par la Russie, en février 2022, et devrait permettre au royaume scandinave de devenir, dans les prochains jours, le trente-deuxième membre de l’Alliance atlantique.
Tout au long de ce parcours semé d’embûches, le premier ministre hongrois, Viktor Orban, avait pourtant affirmé que son pays ne serait pas le dernier à ratifier la candidature suédoise. Un engagement non tenu, puisque, même après que la Turquie a levé son veto, fin janvier, il a fallu que le premier ministre suédois, Ulf Kristersson, se rende à Budapest, vendredi, pour que les députés hongrois puissent enfin voter.
Lors de cette visite, les deux chefs de gouvernement ont signé un accord de coopération, entérinant l’achat par Budapest de quatre avions de combat à la Suède, en plus des quatorze Gripen que la Hongrie loue déjà au constructeur suédois Saab et dont elle deviendra propriétaire à partir de 2026. Evoquant « la confiance » retrouvée entre les deux pays, M. Orban a fait savoir que plus rien ne s’opposait désormais à ce que la Suède intègre l’OTAN.
Il y a deux ans, cette perspective était exclue. « Notre non-alignement militaire nous sert bien et contribue à la stabilité et à la sécurité en Europe du Nord », affirmait encore la ministre sociale-démocrate suédoise des affaires étrangères, Ann Linde, le 16 février 2022, devant les députés, résumant ce qu’une majorité d’entre eux pensaient alors. Le pays nordique n’avait pas connu de guerre depuis plus de deux siècles et même s’il avait depuis longtemps abandonné sa neutralité, allant jusqu’à signer un accord de partenariat avec l’OTAN en 2016, rejoindre l’Alliance n’était pas à l’ordre du jour.
Manœuvres d’Orban et d’Erdogan
Dans un discours désormais célèbre, prononcé au congrès du Parti social-démocrate, en novembre 2021, le ministre de la défense, Peter Hultqvist, avait ainsi assuré que, tant que son parti serait au gouvernement, « il n’y [aurait] aucune demande d’adhésion ». Le 8 mars 2022, deux semaines après le début de la guerre en Ukraine, la première ministre, Magdalena Andersson, maintenait cette ligne, estimant qu’il était « préférable de garder la tête froide, les deux pieds sur terre et d’avoir une politique de sécurité prévisible et de long terme ».
Mais les Suédois doivent rapidement se rendre à l’évidence : leurs voisins finlandais semblent déterminés à rejoindre l’Alliance atlantique, peu importe la décision de la Suède, qui risque de se retrouver isolée. Tout s’accélère alors : en quelques semaines, les sociaux-démocrates, ainsi que les Démocrates de Suède (extrême droite), changent de position, permettant au pays de présenter officiellement sa candidature à l’OTAN, conjointement avec la Finlande, le 18 mai 2022.
La suite aurait dû être une formalité, puisque, selon Helsinki et Stockholm, les trente Etats membres de l’OTAN avaient exprimé leur soutien à l’intégration des deux pays nordiques. C’était compter sans les manœuvres de Viktor Orban mais aussi celles du président turc. Recep Tayyip Erdogan, dès le 13 mai 2022, émet des réserves. A Stockholm, Mme Linde balaie les inquiétudes, affirmant que la Suède et la Turquie ont « une relation très bonne et constructive » et que « rien de tel [ne leur] a été dit ».
Il apparaît bien vite, pourtant, que l’opposition d’Ankara est sérieuse. M. Erdogan accuse les deux pays – la Suède en particulier – d’accueillir « des organisations terroristes » et réclame l’extradition de plusieurs dizaines de Kurdes et de Turcs qui y résident. Le 28 juin 2022, avant le sommet de l’OTAN à Madrid, les gouvernements suédois et finlandais signent un mémorandum avec la Turquie, s’engageant notamment à coopérer dans la lutte contre le terrorisme et à lever l’embargo sur les armes imposé à la Turquie. En échange, Ankara accepte que la Suède et la Finlande obtiennent le statut de « pays invités ».
« Un jour historique »
Pendant plus d’un an et demi encore, M. Erdogan va souffler le chaud et le froid, avant de donner son accord à l’intégration de la Finlande, en mars 2023. Il faudra attendre ensuite le 23 octobre pour qu’il transmette le protocole d’adhésion de la Suède au Parlement turc. Le vote a finalement eu lieu le 23 janvier – trois jours avant que le gouvernement américain approuve la vente d’avions F-16 à la Turquie.
Ne restait plus alors qu’à obtenir le feu vert de la Hongrie. Lundi, M. Orban – qui aime jouer les trouble-fêtes du camp occidental et qui reprochait à Stockholm de propager « des mensonges » sur son pays – a constaté que l’intégration de la Suède à l’OTAN « renforçait la sécurité de la Hongrie », tout en reprochant à « d’autres pays » (sans les nommer) d’avoir « tenté d’interférer » dans la décision hongroise. Côté suédois, le premier ministre a salué « un jour historique », affirmant que son pays était « prêt à assumer ses responsabilités en matière de sécurité euro-atlantique ». La Suède devrait être officiellement invitée à rejoindre l’organisation dans les prochains jours.