Marianne, 5 juillet 2021
Un peu plus de deux mois après qu’Erdogan a lancé une campagne militaire dans le nord de l’Irak, des manifestants ont défilé à Paris, ce 4 juillet, pour dénoncer ce qui s’apparente pour eux à une traque des membres du Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK), que la Turquie considère comme « terroriste ».
Des ennemis, Erdogan en a beaucoup. Mais personne ne suscite plus sa colère que le Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK), un groupe de rebelles que la Turquie qualifie de « terroriste ». Pour mettre la main sur ses membres, le président turc a lancé il y a 72 jours une campagne militaire dans le nord de l’Irak.
Afin de dénoncer cette « invasion », des centaines de manifestants ont défilé, ce dimanche 4 juillet à Paris. La marche a démarré sous une pluie battante, gare du Nord, avant d’être rejointe par d’autres manifestants de la diaspora kurde qui s’étaient réunis place de la République. Plusieurs interlocuteurs ont pris la parole avant un concert d’artistes kurdes et arméniens en fin d’après-midi.
« ISLAMO-FASCISME »
Face à cette action militaire en territoire irakien, les manifestants dénoncent aussi bien le régime d’Erdogan que le mutisme coupable selon eux de l’Occident et de la communauté internationale en général. Sur des pancartes, on pouvait notamment lire « Macron apaise ses relations avec le leader de l’islamo-fascisme », « Silence, on bombarde au Kurdistan », « Allié incontournable de l’Occident, la Turquie est aussi l’allié incontournable de Daech ».
Agit Polat, le porte-parole du Conseil démocratique kurde en France (CDK-F), qui affirme fédérer 26 associations de la diaspora kurde en France, ne cache pas sa colère. « L’expansionnisme turc sous le régime d’Erdogan avance à grande allure et c’est une menace : on l’a vu en Syrie, on l’a vu dans le Haut-Karabakh, on l’a vu dans la Méditerranée orientale, on l’a vu en Libye, détaille-t-il. La menace ne vient pas des Kurdes. »
« L’EUROPE DOIT SE RÉVEILLER ! »
Le CDK-F souhaiterait que la communauté internationale ose se montrer ferme et forte face au président Erdogan. « Nous alertons la France mais aussi l’ONU : l’intégrité territoriale de l’Irak est violée par la Turquie sous le prétexte de la lutte contre le terrorisme […] Il faut que la France rompe ce silence qu’elle a vis-à-vis de la Turquie », a déploré le porte-parole auprès de l’AFP. Un avis partagé par Berivan Tekiner, une manifestante de 30 ans, qui déclare : « L’Europe doit se réveiller ! ».
De son côté, la Turquie accuse l’Irak d’inaction. Ce qui expliquerait selon elle pourquoi elle n’aurait d’autre choix que de mener cette guerre – sur un sol étranger – contre le PKK. Ce dernier assimile quant à lui cette guerre à une traque que la Turquie veut reproduire en Irak après le scénario de la Syrie. Dans ce dernier pays, Erdogan a mené en quatre ans trois offensives militaires contre les forces kurdes locales pour contrôler un territoire de plus de 2 000 km2 dans le nord.
Le 5 juin 2021, la Turquie avait bombardé, à l’aide d’un drone, le camp de réfugiés de Makhmour, dans le nord de l’Irak, et plusieurs civils avaient été tués. Ce camp, fondé à la fin des années 1990 par l’ONU pour accueillir des Kurdes de Turquie, est régulièrement dans le viseur du chef d’État turc qui accuse le PKK de le contrôler. Selon Rachad Galali, un député kurde de Makhmour, l’attaque turque visait plus précisément un jardin d’enfants près d’une école.
EXIL FORCÉ
Depuis le début de l’intervention turque, en avril, de nombreux habitants du nord de l’Irak ont été contraints de fuir à cause des bombardements, à l’instar de Yohanna Khouchfa, le maire de Jelki, proche du secteur d’al-Amadiya. Interrogé par le quotidien libanais l’Orient le Jour, cet Irakien de 71 ans raconte qu’il n’a pas eu d’autre choix que d’évacuer son village avec ses 120 habitants.
En France, les manifestations pour la cause du peuple kurde tendent à se multiplier ces dernières années. En octobre 2019, des centaines de sympathisants avaient défilé pour soutenir les Kurdes de Syrie. En janvier 2021, une marche avait été organisée en hommage à trois Kurdes assassinées en 2003 sur le territoire français: Sakine Cansiz, une des fondatrices du PKK, Fidan Dogan et Leyla Saylemez. Les militants accusaient Erdogan et les services secrets turcs d’avoir organisé ce triple meurtre.