JAMGOCYAN Onnik, L’ÉVEIL DE L’ARMÉNIE : Constantinople, Paris, Chouchi. L’impossible royaume (1840-1880), 2021, Paris, Les Éditions du Bosphore.
Présentation
En 1846 Hovhannes Tchamourdjian-Déroyénts et Meguerditch Aghaton publient le journal Hayasdan à Constantinople. Le premier est un conservateur pieux, le « prince » des érudits arméniens du 19èmesiècle. Le second est un scientifique pur, un réformateur, un franc-maçon. Il est le frère de Krikor Aghaton (1823-1868), ministre ottoman, et corédacteur de la Constitution nationale.
En honorant les fondateurs de Hayasdan, on ne peut occulter le patriarche Mattéos Ier (1844 à 1848). Ce Prélat se porte garant de la fidélité de sa nation, écrit une requête (takrir) à la Sublime Porte et obtient l’autorisation de publier Hayasdan – mot qui signifie Arménie – au nom de l’imprimeur Hovhannes Muhendissian. Hayasdan, l’organe du patriarcat, met l’accent sur les provinces arméniennes. Kalemkiarian, dans Histoire de la Presse arménienne, lui reconnait « l’avantage de donner les nouvelles politiques et nationales, d’être le journal qui, plus qu’aucun autre, donne une place aux nouvelles venues des provinces – du kavar ».
Jamgocyan, L’Eveil de l’Arménie, p. 95-97
Les sources présentent l’Arménien Hovhannes Tchamourdjian Déroyénts comme le premier fonctionnaire de l’Empire ottoman à avoir mis le fez et un costume offert par Chosrew Mehmed Pacha.
Le fez est destiné en premier aux Asakir-i Mansure-i Muhammediyye, les soldats de la nouvelle armée ottomane mise en place après l’anéantissement des Janissaires en 1826.
En 1829, un firman de Mahmoud II oblige tous les dignitaires civils et religieux à porter le fez, à abandonner le turban. Aux yeux de Mahmoud II, le fez devient le moyen d’une nouvelle politique d’ottomanisme, le signe de l’homogénéisation des populations de son Empire. Il s’agit d’une déclaration de guerre au fanatisme, le premier acte du Tanzimat après le Vaka’i Hayriye. Peu lui importe d’être appelé Padischah Giaour, Sultan infidèle, Mahmoud II abandonne le turban pour le fez, fait la guerre aux obscurantistes.
Sur son ordre, Kazaz Artine Amira fonde en 1832 le Fez Hane. Placée sous la direction de Hovhannes Effendi Couyoumdjian, l’institution produit 300 000 fez par an.
Jamgocyan, L’Eveil de l’Arménie, op. cit., p. 117-118.
Léonel de Moustier, ambassadeur de France à Constantinople Ministre des Affaires Etrangères de Napoléon III. Protecteur de Zéïtoun
Léon de Korikosz a rencontré Léonel de Moustier. Ce diplomate français, ambassadeur à Constantinople au moment des tragiques événements de Zéïtoun de 1862, connaît mieux que quiconque le malheur des Arméniens de Turquie, les plaies de l’Arménie ottomane.
En 1866, sa nomination au Quai d’Orsay en remplacement d’Edouard Drouyn de Lhuys, donne un motif d’espérer à Léon de Korikosz et aux patriotes arméniens. Cela explique la dernière note envoyée au Quai d’Orsay par les Lusignan en 1869. Trop tard. Souffrant, Léonel de Moustier quitte le ministère le 17 décembre 1868, et décède le 5 février 1869.
Autre drame, la chute de Napoléon III le 4 septembre 1870 prive les Arméniens de leur principal soutien. Présente à une messe célébrée par Mgr Hassoun à Constantinople en 1869, l’impératrice Eugénie compatissait à leur malheur et appuyait leurs requêtes.
La proclamation de la Troisième République, l’arrivée de politiciens opposés à un système monarchique, mettent fin à tout espoir d’un soutien de la France.
Jamgocyan, l’Eveil de l’Arménie, p.299-230
ARMOIRIES DU ROYAUME d’ARMENIE – PARIS 1860
Les armoiries sont une pièce maîtresse d’un royaume. Elles montrent la noblesse du candidat, et sa légitimité à le diriger. Pour les Arméniens, il est normal que ces armoiries se réfèrent à une dynastie qui a porté le titre de roi d’Arménie.
Les armoiries de 1860, certes imaginaires comme l’écrit Aral, et « tant de fois reproduites au cours des décennies suivantes », apparaissent à Paris, dans un manuel scolaire de 230 pages, publié par Djanik Aramian: Դասարան Հայկազն մանկանց ou Classe pour enfants arméniens. Ce livre, riche de plus de deux cents illustrations, s’intéresse à de nombreux sujets.
Les armoiries semblent dessinées pour Ambroise et Khorène Calfa, princes de Lusignan. Ces derniers, des moines arméniens catholiques, renoncent aux fastes du Vatican et professent la foi de l’Église d’Arménie. Pour preuve, les deux inscriptions placées sur ces armoiries, où l’on voit le lion des Lusignan. La première, Հպատակ Եռապետական– hbadag yerabédagan, rappelle la sujétion de ce peuple à trois États : l’Empire ottoman, la Perse et la Russie. La seconde, Կրօնք Լուսաւորչական – gronk loussavortchagan, signale la religion des Arméniens, le rôle de Saint-Grégoire l’Illuminateur dans la conversion de l’Arménie au christianisme.
Par voie de litote, ce dessin rappelle que l’Arménie n’est pas un pays de catholiques. Aussi, il ne peut pas avoir été conçu pour servir un Lusignan catholique, soit-il Arménien, ni pour plaire à Napoléon III. Il semble servir la cause de Louis de Lusignan, de la branche ainée des Lusignan de Russie, cousin des Calfa-Narbey de Constantinople. Il vise à attirer l’attention du tsar, et montre qu’on souhaite un royaume soutenu par la Russie, et non soumis à Rome.
Jamgocyan, l’Eveil de l’Arménie, p. 225-226
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