Presses de Sciences Po, 22 octobre 2020
« Exception en Europe, un État allié du Reich a refusé de déporter sa communauté juive. Cette image de la Bulgarie pendant la seconde guerre mondiale a prévalu jusque récemment, quitte à omettre que, dans les territoires de la Yougoslavie et de la Grèce occupés par ce pays entre 1941 et 1944, la quasi-totalité des Juifs ont été raflés, convoyés vers la Pologne et exterminés.
Au terme d’une vaste enquête documentaire et archivistique, Nadège Ragaru reconstitue l’origine de ce qui a longtemps été tenu pour un socle de faits vrais parce que largement crus. Elle explique pourquoi une seule facette d’un passé complexe et contradictoire a fait l’objet d’une transmission prioritaire ; comment les déportations, sans être oblitérées, sont devenues secondaires dans les discours publics, les musées, les livres d’histoire et les arts ; comment la mise en écriture des persécutions contre les Juifs en Bulgarie s’est retrouvée l’otage de la guerre froide puis des luttes politiques et mémorielles de l’après-communisme dans les Balkans et le reste du monde.
Profondément originale dans sa conception comme dans son écriture, cette enquête historique est une réflexion exemplaire sur les silences du passé. »
Nadège Ragaru est directrice de recherche à Sciences Po (CERI-CNRS), où elle enseigne l’histoire et la mémoire du communisme et de la Shoah en Europe de l’Est. Elle a été chercheur invité à l’Université d’Oxford et Reid Hall Fellow à l’Université de Columbia.