Euronews, le 12 octobre , 2024
Une enquête de plusieurs médias a révélé l’existence d’abus systématiques et de conditions insalubres dans les centres d’accueil de demandeurs d’asile en Turquie, financés par l’UE.
La Commission européenne a exhorté la Turquie vendredi à « enquêter de manière approfondie sur les allégations d’actes répréhensibles » dans les centres d’accueil de migrants que le pays gère pour traiter les demandes d’asile des réfugiés syriens et afghans avec l’aide financière de l’Union européenne.
Ce plaidoyer intervient après qu’une enquête explosive menée par Lighthouse Reports a révélé des mauvais traitements systématiques dans l’ensemble des centres de renvoi gérés par le gouvernement turc et soutenus par 213 millions d’euros de fonds européens, marquant un nouveau chapitre controversé de l’accord UE-Turquie signé en 2016 au plus fort de la crise migratoire.
Le consortium de médias détaille les conditions insalubres et le surpeuplement dans les installations, les cas d’abus et de torture contre les migrants, et un modèle de coercition pour forcer les détenus à signer des documents de retour « volontaire » dans leurs nations déchirées par la guerre.
Dans un cas, écrivent les journalistes, un homme qui avait fui l’Afghanistan après la prise de pouvoir des talibans en 2023 a été arrêté en Turquie et finalement renvoyé dans son pays d’origine, où il a été « abattu, avec des blessures par balle au cou et à la tête ».
Les hauts fonctionnaires de l’UE « choisissent de fermer les yeux »
« Nous avons découvert que l’UE est consciente qu’elle finance ce système abusif, que son propre personnel tire la sonnette d’alarme en interne, mais que les hauts fonctionnaires choisissent de fermer les yeux », indique Lighthouse Reports dans son enquête, qui a été soutenue par d’autres médias européens, dont Le Monde, El Pais et Der Spiegel.
L’enquête a porté sur 100 sources, dont les témoignages de 37 personnes détenues dans 22 établissements différents financés par l’UE.
En réaction, la Commission a déclaré que tous les fonds européens alloués à la gestion des centres d’expulsion et des retours volontaires en Turquie respectaient pleinement les normes européennes et internationales.
L’exécutif européen a toutefois insisté sur le fait que la responsabilité finale d’enquêter et de réprimer les violations des droits fondamentaux incombait aux autorités turques, renvoyant ainsi la balle dans le camp d’Ankara.
« La Turquie a sa propre législation en matière de reconnaissance des réfugiés et de gestion des migrations. Dans ce contexte, l’application et la protection de ces droits formels restent de la responsabilité de la Turquie », a déclaré un porte-parole de la Commission vendredi.
« Les droits fondamentaux des individus et le principe de non-refoulement doivent toujours être respectés lors de l’exécution de toute décision de retour », a ajouté le porte-parole, faisant référence au principe international qui interdit d’expulser les migrants vers des pays où ils risquent d’être persécutés, torturés ou soumis à toute autre forme de mauvais traitement.
« Il incombe aux autorités turques d’enquêter de manière approfondie sur les allégations d’actes répréhensibles et nous leur demandons instamment de le faire. »
Le porte-parole n’a pas confirmé si la Commission avait été informée des conditions abusives à l’intérieur des centres d’expulsion et a noté que les fonctionnaires de l’UE basés en Turquie effectuent « régulièrement » des missions de contrôle sur les sites.
Selon les chiffres de l’ONU, la Turquie est l’un des plus grands pays d’accueil de réfugiés au monde, avec environ 3,2 millions de réfugiés syriens et d’autres nationalités.
Depuis 2011, l’UE a fourni à la Turquie près de 10 milliards d’euros pour soutenir la gestion des demandeurs d’asile.
Alors que Bruxelles et les États membres affirment que le financement et l’accord de 2016 ont contribué à freiner les flux de migration irrégulière, les critiques soutiennent que le système a permis au président Recep Tayyip Erdoğan de menacer l’Union et d’obtenir des concessions.