Les stades de football s’époumonent contre Erdogan – COURRIER INTERNATIONAL

Must read

« Les supporters du Fenerbahçe et du Besiktas, deux des grands clubs de football de Turquie, font entendre leurs voix contre la gestion par le gouvernement du tremblement de terre meurtrier qui a frappé le sud de la Turquie le 6 février dernier. Les pro-Erdogan, qui dénoncent une politisation du football, ont la mémoire courte » rapporte Courrier International du 1 mars 2023.

C’est une étrange clameur qui montait samedi 25 février des travées du Sükrü Saracoglu Spor Kompleksi, le stade du célèbre club de football stambouliote de Fenerbahçe, pourtant le préféré du président turc, Recep Tayyip Erdogan : “Gouvernement démission, gouvernement démission !” Par leurs cris, les supporters entendaient protester contre la gestion par le pouvoir du double séisme du 6 février, qui a fait plus de 44 000 morts en Turquie, selon les chiffres officiels.

La contestation contre le gouvernement a encore grandi après que la presse d’opposition a révélé que le Croissant-Rouge, dirigé par un partisan du président turc, qui y a placé de nombreux membres de sa famille, avait vendu à prix d’or une partie de ses tentes à des ONG humanitaires plutôt que de les livrer gratuitement aux rescapés du séisme exposés aux températures hivernales. Les rares manifestations qui ont suivi ces révélations ont été interdites et leurs participants arrêtés.

Au lendemain de la bronca des supporters de Fenerbahçe, c’était au tour des fanatik (“ supporters” en turc) de Besiktas, autre célèbre club d’Istanbul, de reprendre le cri de démission dans leur stade.

Et ce après avoir inondé la pelouse de peluches pour enfants destinées aux victimes du séisme.

Sanctions

Une démonstration de générosité dans le stade de Besiktas saluée par un éditorialiste du quotidien progouvernemental Sabahqui s’est cependant indigné du fait que “quatre ou cinq provocateurs attisent le feu dans les tribunes en espérant en tirer un profit politique”.

Pour le quotidien, pas de doute : “Ils ont compris que le président Erdogan ne pouvait pas être vaincu par les élections [qui devraient se tenir le 14 mai et dont les enquêtes d’opinion donnent le chef d’État perdant au second tour]. Ils tentent donc de le renverser par d’autres moyens.”

En réaction, Devlet Bahçeli, leader du MHP, parti d’extrême droite allié d’Erdogan, a annoncé qu’il résiliait son adhésion au club de Besiktas, dont il était supporter, souligne le quotidien Cumhuriyet.

En guise de mesure de rétorsion contre Fenerbahçe, accusé de n’avoir pas suffisamment condamné le comportement de ses supporters, le prochain match du club, prévu le 4 mars prochain contre Kayserispor, se jouera à huis clos, a rapporté le quotidien d’opposition kémaliste Sözcü. Et ce afin d’éviter que des slogans anti-Erdogan soient à nouveau scandés, mais aussi d’éventuels heurts avec les supporters du club de la très conservatrice ville de Kayseri, bastion traditionnel des islamo-nationalistes de l’AKP, le parti dont est issu le président turc.

Erdogan a lui-même utilisé le foot

Le même Sözcü note, photos d’archives à l’appui, que les partisans du pouvoir qui dénoncent aujourd’hui une “politisation du football” n’avaient pourtant rien contre la présence dans les tribunes ou sur les pelouses de panneaux à l’effigie de Recep Tayyip Erdogan ou de ses citations.

Le président turc, lui-même ancien joueur de football amateur et semi-professionnel au sein du club stambouliote de Kasimpasa de 1969 à 1982, ne s’est jamais privé de se servir de ce sport immensément populaire dans le pays.

Il a notamment soutenu la création et le développement d’un nouveau club à Istanbul, Basaksehir, issu d’un riche quartier conservateur de la ville et financé par une holding du secteur médical détenue par le ministre de la Santé, et qui devait rivaliser avec les trois grands clubs de la ville – Galatasaray, Fenerbahçe et Besiktas.

Un échec relatif malgré l’implication du président lui-même. Lors de l’inauguration du stade de Basaksehir en 2014, il avait revêtu le maillot de l’équipe pour un petit match au cours duquel il avait marqué trois buts.

Courrier International du 1 mars 2023.

More articles

Latest article