Les élections municipales se tiennent ce dimanche 31 mars en Turquie, 61 millions d’électeurs sont appelés aux urnes et l’enjeu dépasse celui d’un scrutin local.
France Info, le 30 mars 2024, par Marie-Pierre Vérot
Ces élections municipales en Turquie pourraient décider du sort du président Recep Tayyip Erdoğan. Il en a nationalisé l’enjeu. Il s’est juré dès le soir de la présidentielle, en mai 2023, de reprendre à l’opposition la mairie d’Istanbul. C’est sa ville, celle qui lui a servi de tremplin politique, la capitale économique du pays aussi, un tiers du PIB, une richesse qui attise les convoitises. Et d’ailleurs, c’est lui, le président, qui mène campagne ici comme dans le reste du pays.
Si son candidat ne parvient pas à reconquérir Istanbul, ce sera interprété comme un échec personnel du président. Et le maire sortant Ekrem İmamoğlu prendra une sérieuse option pour la présidentielle de 2028. Si en revanche, le candidat de l’AKP l’emporte, Erdogan aura parachevé sa mainmise sur le pays, lui qui domine l’exécutif, commande au judiciaire et dont le parti a la majorité absolue au Parlement. Le pays n’aura plus de contre-pouvoir face à sa dérive antidémocratique, car les grandes villes sont tout ce qui reste à l’opposition.
Les retraités sont l’une des clés du scrutin
À Istanbul, qui incarnera en fait l’échec ou la réussite d’Erdogan, le paysage est moins dégagé qu’en 2019 pour le maire sortant. L’opposition s’est fracturée après l’échec de la présidentielle et chaque parti présente un candidat. Or, l’éparpillement des voix, si la bataille est serrée, pourrait coûter son siège à Ekrem İmamoğlu. Mais pour l’AKP, ce n’est pas réjouissant non plus, la crise économique pèse de plus en plus. Ses électeurs espéraient une embellie après la présidentielle, il n’en a rien été au contraire, la pauvreté explose particulièrement chez les retraités qui sont l’une des clés du scrutin.
Les retraités sont 16 millions en Turquie, près d’un quart de l’électorat. Alors, en Turquie, certains retraités ont à peine 50 ans, il suffit d’avoir travaillé 20 ans pour prétendre à une pension. Mais si l’on prend les plus de 65 ans, ils sont huit millions et ils représentent la catégorie la plus défavorisée, avec une pension de base qui correspond à la moitié du seuil de la faim. Ils en veulent beaucoup à Erdogan qui n’a pas augmenté les retraites malgré ses promesses et pourraient le lui faire payer. D’autant qu’ils sont courtisés par tous les partis, notamment un parti islamiste très conservateur qui monte et chasse sur les terres de l’AKP. L’équilibre des partis au soir de ces municipales entre le parti du président, le parti républicain laïque d’opposition et le nouveau parti islamiste, dira aussi beaucoup du visage de la Turquie pour les années à venir.