Année du centenaire de la République, d’ores et déjà marquée par un double séisme meurtrier dans le sud-est du pays en février, 2023 est également une année électorale pour la Turquie. Les élections générales (législatives et présidentielle) auront lieu le 14 mai et sont unanimement considérées comme cruciales pour l’avenir politique du pays.
La campagne électorale s’est polarisée autour de deux grandes coalitions : l’Alliance du peuple, dirigée par le parti présidentiel AKP et le MHP, qui soutient la réélection du président Erdoğan ; et l’Alliance de la nation, formée par le grand parti kémaliste CHP avec cinq autres formations, et soutenant Kemal Kılıçdaroğlu comme candidat à la présidence. Deux autres coalitions sont également présentes et pourraient faire basculer le scrutin d’un côté ou de l’autre : l’Alliance pour le travail et la liberté autour du HDP progressiste et pro-kurde, et l’Alliance ancestrale, qui soutient le nationaliste Sinan Oğan.
Bien que cette configuration politique puisse sembler familière aux observateurs en Europe, où les coalitions entre partis sont fréquentes, certains indices, tels que les tensions entre le İYİ et ses partenaires de l’Alliance de la nation sur le nom de Kılıçdaroğlu, remettent en question la nature de ces coalitions : sont-elles motivées par une proximité idéologique, ou ne constituent-elles que des outils tactiques pour la conquête du pouvoir. Ces coalitions semblent notamment dériver de la nature du régime politique turc et de son évolution au cours de la dernière décennie, avec une ultra-présidentialisation du système sous les mandats de Recep Tayyip Erdoğan qui a conduit l’ensemble des acteurs politiques à se positionner vis-à-vis de son pouvoir personnel. Alors que les conditions socio-économiques affaiblissent le socle électoral de l’AKP, les perspectives de ce scrutin semblent plus ouvertes que jamais.