« Les ambitions nucléaires de la Turquie sont-elles une menace pour la sécurité nationale », ecathimerini.com pose la question dans une publication signée de Vassilis Nedos et Yiannis Souliotis, du 12 mars 2021.
Observatoireturquie.fr propose une traduction synthétique de l’article ci-bas:
Au cours d’un appel de 45 minutes avec son homologue américain, fin février 2021, le ministre grec des Affaires étrangères Nikos Dendias a évoqué avec Tony Blinken les nombreuses questions posées par la construction d’une centrale nucléaire à Akkuyu, dans le sud de la Turquie. Il s’agirait du plus gros investissement étranger de la Russie. Ankara reste réticente à partager les informations concernant la centrale. Selon la même source, M. Dendias aurait également souligné le danger qu’Akkuyu devienne un nouveau « Tchernobyl » en Méditerranée orientale.
Depuis de nombreuses années, Athènes observe attentivement les agissements de la Turquie en matière du nucléaire. Des rapports circulant au sein des services responsables grecs, dont Kathimerini a eu connaissance, suggèrent qu’en créant des réacteurs nucléaires pour la production d’énergie, la Turquie acquiert à la fois le savoir-faire technologique nécessaire et l’accès à des matériaux qui pourraient être utilisés pour le développement d’armes nucléaires.
« Le président turc Recep Tayyip Erdogan a d’ailleurs exprimé publiquement son ambition de faire de la Turquie un État doté d’armes nucléaires. « Certains États possèdent des missiles armés d’ogives nucléaires et ils nous disent que nous ne pouvons pas nous aussi acquérir de telles armes. C’est quelque chose que je ne peux pas accepter », a-t-il déclaré devant les membres de son Parti de la justice et du développement (AKP) en septembre 2019 ».
« Le contrat de construction de la centrale d’Akkuyu a été signé en 2010 par l’État turc et Rosatom, la société d’État russe pour l’énergie nucléaire. Le coût du projet est d’environ 22 milliards de dollars et l’accord prévoit la construction de quatre réacteurs nucléaires de 1 200 MW. Deux d’entre eux sont déjà en construction et le premier devrait être mis en service en 2023, année du centenaire de la République turque. Toutefois, la centrale ne devrait pas être pleinement opérationnelle avant 2025. On estime que la centrale nucléaire d’Akkuyu couvrira de 8 à 10 % des besoins énergétiques de la Turquie et que sa durée de vie sera d’au moins 60 ans. »
« Rosatom finance le projet par l’intermédiaire de sa filiale Akkuyu Nukleer JSC, basée en Turquie (Rosatom détient 99 % des parts de la société depuis 2010). Il s’agit du plus gros investissement privé dans l’énergie nucléaire de ces 17 dernières années. Quant au site d’Akkuyu, force est de constater qu’il n’a pas encore subi les tests de résistance requis, c’est-à-dire l’évaluation de diverses questions techniques, y compris les éventuels dangers posés par l’activité sismique de la région. »
La formation d’ingénieurs nucléaires turcs par l’Institut russe de physique nucléaire a débuté en 2018. On estime que depuis le début du programme, plus de 140 nouveaux ingénieurs ont déjà obtenu leur diplôme et 110 autres sont encore en train d’étudier. Selon un rapport publié le 17 février par le journal turc Hurriyet, et republié par l’agence de presse russe Sputnik, les ingénieurs nucléaires turcs sont formés à l’Université nationale de recherche nucléaire russe MEPhI à Moscou et à Obninsk ».
« Dans le même temps, la Turquie cultive également ses relations avec l’Ukraine, afin de disposer d’une option de repli si le Kremlin décide de mettre fin à son soutien au programme nucléaire et à la transformation de la Turquie. La Turquie a signé le traité sur la non-prolifération des armes nucléaires en 1980 et, en 1996, elle a été signataire du traité d’interdiction complète des essais nucléaires. Dans un article publié il y a quelques mois par le Center for the National Interest, un groupe de réflexion américain conservateur, un fonctionnaire du département d’État aurait déclaré qu’il est vital que la Turquie continue à respecter les engagements qu’elle a pris en signant les deux traités. Les ambitions nucléaires de la Turquie sont également limitées par l’adhésion du pays à l’OTAN, la non-prolifération des armes nucléaires étant l’un des principes fondamentaux de l’organisation. Cependant, Erdogan n’a jamais caché ses intentions et a déclaré lors de l’Assemblée générale des Nations unies de septembre 2019 que « la possession de l’énergie nucléaire doit être soit interdite à tous, soit autorisée à tous. » Enfin, il convient de noter que la Turquie n’est pas partie à la Convention commune sur la sûreté de la gestion du combustible usé et sur la sûreté de la gestion des déchets radioactifs de l’Agence internationale de l’énergie atomique. »
Mise à part la centrale d’Akkuyu près de la ville de Mersin, deux autres centrales sont en cours de construction ou prévues, à Sinop, sur la mer Noire, et à Igneada, en Thrace orientale, également sur la mer Noire, près de la frontière avec la Bulgarie.
« En 2013, le gouvernement turc avait entamé des négociations avec Mitsubishi Heavy Industry et la société française Areva pour la construction d’une deuxième centrale nucléaire dans la région de Sinop. Cependant, des désaccords sont apparus et l’entreprise japonaise s’est retirée de la table des négociations et l’avenir du projet reste incertain.
À sa place, la compagnie énergétique nationale turque a conclu un accord avec la Chine pour la construction d’une centrale nucléaire dans la région d’Igneada, en Thrace orientale, à environ 5 kilomètres de la frontière bulgare. En fait, la zone la plus large a été désignée comme zone militaire en mai. Les responsables grecs qui connaissent bien le dossier font remarquer que cette mesure vise très probablement à faciliter l’ordre d’achat obligatoire du terrain destiné à la construction de la centrale. » (….)