Les condamnations des pays arabes à l’encontre de la réponse israélienne aux attaques du Hamas sont quasi-unanimes [1] : d’une façon ou d’une autre, l’intégralité des pays d’Afrique du Nord et du Moyen-Orient ont officiellement exprimé leur désapprobation face aux frappes menées par les forces armées israéliennes dans la bande de Gaza et par l’intention de Tel-Aviv de lancer des opérations terrestres dans l’enclave palestinienne.
Le 19 Octobre 2023, Emile Bouvier, Les clés du Moyen-Orient.
La question palestinienne reste en effet, historiquement, l’une des principales pierres d’achoppement entre les pays arabes et l’Etat hébreu au fil de leur histoire complexe et souvent belliqueuse ; la réponse des autorités israéliennes à l’égard tant du Hamas que de la population civile de Gaza ne pouvait provoquer qu’une succession de condamnations. La forme de ces dernières, et encore plus leur verve, s’est toutefois distinguée par une certaine pluralité parmi les pays arabes : en effet, plusieurs d’entre eux [2] se sont engagés ces dernières années dans un processus de normalisation de leurs relations diplomatiques avec Israël, en particulier dans le cadre des accords d’Abraham, tournant ainsi le dos à plusieurs décennies d’hostilité, ou au moins d’indifférence diplomatique et de non-reconnaissance, envers l’Etat hébreu. La réaction de ces derniers se montre, de fait, moins virulente que celle d’autres pays engagés dans un processus inachevé de normalisation de leurs relations avec Israël, au premier rang desquels l’Arabie saoudite.
Trois grandes catégories de réactions peuvent être esquissées afin de synthétiser au mieux l’impact de la guerre entre Israël et le Hamas sur le processus de normalisation diplomatique des relations entre l’Etat hébreu et ses voisins arabes : la première est celle de l’intérêt des Emirats arabes unis et de Bahreïn, tous deux signataires des Accords d’Abraham, à rester en phase avec leurs engagements de normalisation, tout en entendant la colère de leurs populations (I) ; la deuxième est celle de la suspension de la normalisation par l’Arabie saoudite et de l’éloignement du Koweït sur ce sujet (II) ; la troisième, enfin, est celle de pays adoptant une attitude relativement ambivalente visant à jouer le rôle de potentiels médiateurs au conflit, à savoir l’Egypte et le Qatar (III).
I. Des pays pour le moment en phase avec leurs engagements de normalisation diplomatique, tout en étant à l’écoute de leurs populations
Les Emirats arabes unis et Bahreïn, en bons termes depuis peu avec Israël, se retrouvent dans une situation pour le moins inconfortable politiquement : d’un côté, les intérêts géopolitiques de poursuivre leur processus de rapprochement avec l’Etat hébreu s’imposent comme une nécessité stratégique tandis que, de l’autre, le besoin d’écouter la colère de leurs populations apparaît impérieuse. En effet, dès les premiers jours du conflit, des manifestations ont été organisées en soutien aux Palestiniens ; le vendredi 13 octobre par exemple, des centaines de Bahreïniens ont ainsi protesté contre les opérations israéliennes dans la bande de Gaza en scandant des slogans tels que « Mort à Israël ! », « Mort à l’Amérique ! » [3]. Abou Dhabi et Manama essayent ainsi de manœuvrer leur narratif diplomatique afin de le concentrer autour de la nécessité de protéger la vie des civils, et non de juger la légitimité des violences commises par un camp ou l’autre. Bahreïn et les Emirats arabes unis ont ainsi été parmi les seuls Etats arabes à condamner les exactions commises par le Hamas, en particulier l’enlèvement de civils israéliens [4], deux jours après un communiqué pour le moins prudent des autorités émiriennes qui se contentaient « d’exprimer leur grande préoccupation face à l’escalade de la violence entre Israéliens et Palestinien » [5].
Les deux pays se sont avérés, de fait, des partisans notables d’un rapprochement avec Israël et d’une normalisation diplomatique régionale des relations avec l’Etat hébreu : dix jours avant l’attaque du Hamas, l’ambassadeur du Bahreïn aux Etats-Unis, Abdullah bin Mohammad bin Rashed Al Khalifa, répétait sa grande confiance dans la conclusion prochaine d’un accord de paix entre autorités israéliennes et saoudiennes (« ce n’est pas une question de si, c’est une question de quand ») [6]. Les Emirats arabes unis ne comptent pas, à l’évidence, laisser le conflit avec le Hamas grever les opportunités ouvertes par la normalisation de leurs relations avec Israël : le 10 octobre, le ministre émirien du Commerce, Thani al-Zeyoudi, affirmait ainsi que « [les Emirats arabes unis] ne mélangent pas la politique et les affaires » [7], une décision certainement portée, entre autres choses, par l’ambitieux accord de libre-échange – le premier de son genre entre un pays arabe et Israël [8] – entré en vigueur entre Abou Dhabi et Tel-Aviv en mars dernier [9].
Au sein du concert des nations arabes, les Emirats arabes unis et Bahreïn se distinguent ainsi par leur loyauté aux accords d’Abraham ; Abou Dhabi serait même allé jusqu’à avertir confidentiellement la Syrie de ne pas se mêler du conflit entre Israël et le Hamas [10]. Au regard de cette fiabilité des deux pétromonarchies dans la région, le choix du Président américain Joe Biden de choisir comme premier interlocuteur dans la région son homologue émirien Mohammed ben Zayed Al Nahyane lors de leur appel téléphonique du 12 octobre n’apparaît pas anodin [11]. La loyauté émirienne à l’égard des Etats-Unis est assez notée au sein de la région, y compris dans le cadre du conflit israélo-palestinien, que l’état-major émirien a dû publier le 13 octobre un communiqué démentant formellement les rumeurs selon lesquelles l’arrivée d’avions militaires américains sur la base aérienne d’al-Dhafra à Abou Dhabi était liée au conflit actuel entre Israël et le Hamas [12].
Bahreïn et les Emirats arabes unis ont donc fait la démonstration de leur souhait de poursuivre leur politique de rapprochement avec Israël, ou au moins de ne pas s’en éloigner, au contraire de l’Arabie saoudite voisine.
II. La suspension du processus de normalisation par l’Arabie saoudite et l’éloignement du Koweït sur la reconnaissance d’Israël
La normalisation des relations diplomatiques entre Israël et l’Arabie saoudite a figuré, à bien des égards, comme ce qui aurait pu être le faîte du succès de la politique d’intégration régionale initiée par Tel-Aviv : puissance économique, militaire et religieuse incontournable du Moyen-Orient, la conclusion d’un accord de paix entre le royaume wahhabite et les autorités israéliennes aurait créé un précédent bien plus porteur encore que les accords d’Abraham. Les Etats-Unis se sont ainsi montrés d’ardents soutiens d’un tel processus, avec un certain succès [13], promettant à l’Arabie saoudite un pacte de défense ambitieux -similaire à celui en place avec la Corée du Sud ou le Japon par exemple [14] – si cette dernière acceptait d’envisager une démarche de normalisation de ses relations avec Israël [15]. Riyad aurait indiqué à ce sujet qu’elle préférait revoir à la baisse ses exigences à l’égard des droits des Palestiniens lors de ses négociations avec Israël plutôt que de passer à côté d’un tel pacte [16].
La conclusion d’un « nouvel accord d’Abraham » [17] entre Tel-Aviv et Riyad semblait ainsi en excellente voie, d’autant que les autorités saoudiennes ont lancé, depuis plusieurs mois, une vaste opération de normalisation de leurs relations avec leurs ennemis et rivaux régionaux, aboutissant en la conclusion d’un premier accord historique avec l’Iran en mars 2023, en l’esquisse de négociations de paix avec les Houthis et en un rapprochement timide mais réel avec la Syrie [18] ou encore le Qatar [19], contre lequel l’Arabie saoudite avait conduit un blocus de presque trois anset dont l’émir Sheikh Tamim bin Hamad Al Thani avait reçu le Ministre saoudien des Affaires étrangères Faisal bin Farhan al Saud le 26 septembre dernier à Doha [20].
Le conflit entre le Hamas et Israël est venu, toutefois, suspendre le processus de normalisation. Une semaine après le début du conflit, le 14 octobre, et alors que l’intensité de la répression israélienne contre la bande de Gaza ne faisait que s’accroître et provoquer l’indignation des chancelleries et populations arabes et/ou musulmanes, l’Arabie saoudite a annoncé suspendre jusqu’à nouvel ordre les discussions [21]. Les autorités américaines s’en sont aussitôt émues, le Président américain Joe Biden déclarant dès le lendemain qu’il ne s’agissait que d’une question de temps avant que l’Arabie saoudite ne reconnaisse l’Etat d’Israël [22] tandis que des membres du Congrès, menés par le sénateur de Caroline du Sud Lindsey Graham, ont annoncé vouloir se rendre en Arabie saoudite et en Israël afin de relancer les discussions [23].
L’Arabie saoudite ne semble toutefois pas disposée, dans l’immédiat, à reprendre de telles discussions : sans qu’il soit possible ne lier nécessairement les deux événements, le prince héritier saoudien – dirigeant de facto du royaume wahhabite – Mohammed Ben Salman a téléphoné le 2 octobre, pour la première fois depuis la restauration des liens diplomatiques entre l’Arabie saoudite et l’Iran, au président iranien Ebrahim Raïssi afin de s’entretenir avec lui de la situation [24] ; les deux hommes se seraient accordés, notamment, à condamner « les crimes de guerre commis [par Israël] contre la Palestine » [25]. La présidence iranienne avait déjà échangé le 8 octobre avec les dirigeants du Hamas, Ismail Haniyeh, et du Djihad islamique, Ziyad Nakhalah, afin de leur assurer du plein soutien de l’Iran à leurs opérations contre Israël [26], que les autorités iraniennes menacent par ailleurs de façon croissante de représailles militaires [27].
Le Koweït, enfin, qui figurait comme l’un des deniers pays du Golfe n’ayant pas initié de rapprochement diplomatique avec Israël [28], semble lui aussi s’éloigner d’un tel processus : alors que le pays s’était déjà positionné comme hostile aux accords d’Abraham [29] et avait fait savoir qu’il serait « le dernier pays » à normaliser ses liens avec Israël [30] en raison notamment de la problématique palestinienne, le conflit entre le Hamas et l’Etat hébreu a davantage renforcé l’opposition koweïtie à une quelconque reconnaissance de ce dernier. En effet, le 7 octobre, les autorités koweïties ont fortement condamné les violences qui, selon elles, seraient « le résultat des violations continues et des attaques flagrantes commises par les autorités d’occupation israéliennes contre le peuple frère palestinien » [31]tandis que le président du Parlement, Ahmad Al-Saadoun, a évoqué les « crimes barbares » [32] d’Israël et les « crimes de guerre » commis par ce dernier, allant dans le même sens que le Ministre koweïti des Affaires étrangères qui, dans un communiqué du 14 octobre, soulignait « la violation du droit international et humanitaire » par les forces israéliennes [33]. Le rejet koweïtien de tout contact avec Israël semble s’inscrire dans la continuité de la décision des autorités saoudiennes de suspendre les discussions avec leurs homologues israéliennes, comme a pu le montrer par ailleurs la visite du Ministre saoudien des Affaires étrangères au Prince héritier du Koweït Mishal Al-Ahmad Ak-Jaber Al-Sabah à Koweït-City le 16 octobre, afin d’évoquer la situation à Gaza [34].
En-dehors, d’un côté, des Emirats arabes unis et du Bahreïn qui tâchent de naviguer avec prudence dans des eaux diplomatiques particulièrement troubles afin de ménager l’opinion arabe et leurs relations avec Israël, et de l’autre le Koweït et l’Arabie saoudite qui s’opposent au lancement/à la poursuite d’un processus de normalisation avec Israël, d’autres pays tentent une approche plus ambivalente en s’employant, en particulier, à proposer leurs services de médiateurs dans le conflit : c’est le cas de l’Egypte et du Qatar.
III. L’Egypte et le Qatar, de futurs médiateurs du conflit ?
L’Egypte et le Qatar ont adopté tous deux des positionnements relativement ambivalents dans le conflit. Le Caire, tout d’abord, occupe une place particulière dans le monde arabe vis-à-vis d’Israël : l’Egypte est en effet le premier pays à avoir officiellement reconnu l’Etat hébreu en 1979 à la suite des accords de Camp David et joue, à ce titre, le rôle traditionnel de médiateur lors de l’éclosion de violences entre Palestiniens et Israéliens, son territoire bordant celui de la bande de Gaza. Les autorités égyptiennes se sont imposées, de fait, comme l’interlocuteur arabe de référence dans la région pour Israël malgré des relations complexes et portées, essentiellement, par une coopération fructueuse en matière d’hydrocarbures.
La population égyptienne se montre toutefois nettement en faveur des Palestiniens, en soutien desquels des manifestations ont d’ores et déjà été organisées ces derniers jours [35] ; un policier égyptien a par ailleurs abattu deux touristes israéliens le 8 octobre à proximité du parc archéologique d’Alexandrie [36]. L’Egypte s’est donc, pour le moment, contentée de publier immédiatement après les attaques du Hamas un communiqué mettant en garde contre « les graves dangers de l’escalade en cours entre les parties palestinienne et israélienne, à la suite d’une série d’attentats contre des villes palestiniennes » [37], sans mentionner l’incursion du Hamas en Israël, les meurtres de civils et les prises d’otages.
Le gouvernement égyptien et le Hamas entretiennent par ailleurs des relations complexes. Le Hamas a été créé à partir de la branche palestinienne des Frères musulmans à la fin des années 1980, dans le but précis lutter contre Israël et de contrer l’influence du Jihad islamique palestinien, un groupe soutenu par l’Iran qui lutte également contre Israël. Compte tenu des relations entre l’Égypte et les Frères musulmans, qui tendent à osciller entre une tolérance à contrecœur et une franche hostilité, les dirigeants égyptiens ont cherché à contrôler le Hamas de peur qu’il ne contribue à une forme d’instabilité dans la vallée du Nil [38]. Les services de renseignement égyptiens seraient en conséquence présents à Gaza et surveilleraient de près les activités du Hamas ; c’est ainsi qu’ils auraient, semble-t-il, prévenu Israël trois jours avant l’attaque, d’une opération de grande envergure à son encontre par le Hamas [39], une affirmation démentie par la primature israélienne [40].
Le rôle de l’Egypte comme médiatrice semble toutefois relativement limité pour le moment ; ni le Hamas ni Tel-Aviv ne semblent chercher l’apaisement et ne se montrent pas intéressés par une médiation, malgré de timides tentatives égyptiennes dès le 9 octobre, au cours desquelles Le Caire a enjoint Israël à la retenue et le Hamas à garder ses otages en bonne santé fin de laisser la porte ouverte à des négociations [41]. Toutefois, comme l’ont admise des sources sécuritaires égyptiennes impliquées dans les tentatives de médiation [42], la campagne intensive de frappes israéliennes qui s’est depuis abattue sur la bande de Gaza a enterré tout espoir de volonté de désescalade et, partant, le besoin de médiation.
L’Egypte est, par ailleurs, davantage attendue sur la question des réfugiés palestiniens : à la suite des frappes israéliennes dans la bande de Gaza et de l’injonction israélienne à en évacuer le nord en raison de l’imminence d’une offensive terrestre [43], plusieurs centaines de milliers de Gazaouis se pressent au poste-frontière de Rafah, seul point de passage transfrontalier entre l’enclave palestinienne et un territoire autre que celui d’Israël [44]. Les réfugiés ne parviennent toutefois pas à sortir en raison de la crainte égyptienne d’un déplacement du problème palestinien de la Bande de Gaza vers son territoire. Le président égyptien Abdel Fattah al-Sissi aurait ainsi déclaré qu’autoriser les Palestiniens à s’installer dans le Sinaï, même temporairement, reviendrait à permettre à Israël de contrôler une bande de Gaza vidée de ses habitants. « L’Égypte n’autorisera pas la liquidation de la question palestinienne aux dépens d’autres parties », a-t-il déclaré le 15 octobre [45]. L’Égypte a par ailleurs accusé le 16 octobre Israël d’empêcher l’acheminement de l’aide internationale vers Gaza [46] alors que la situation humanitaire se dégrade exponentiellement chaque jour [47] ; seule une intervention américaine est venue faire plier Israël le 18 octobre [48]. Si ce différend n’est pas de nature à remettre en question la normalisation des relations entre l’Egypte et Israël, il témoigne de l’équilibre diplomatique complexe dans lequel se trouve actuellement Le Caire, entre nécessité de venir en aide aux Palestiniens et besoin de conserver de bonnes relations avec Israël.
Le Qatar, quant à lui, occupe également une place singulière ; s’il n’a jamais caché son intention de ne pas normaliser ses relations avec Israël, il a également laissé entendre que des « relations de travail » (sic) informelles continueraient d’exister entre les deux pays, notamment sur la question palestinienne [49]. Il ne s’est pas privé, non plus, de condamner fermement la réponse militaire israélienne aux attaques du Hamas, affirmant qu’Israël était responsable de l’escalade sécuritaire [50]. L’émirat est pourtant au centre de toutes les attentions de la part des chancelleries impliquées dans le dossier israélo-palestinien, espérant de sa part une médiation entre le Hamas et Israël. Le Qatar s’avère, de fait, le seul Etat à même de dialoguer avec les deux protagonistes : non seulement Doha admet posséder naturellement des canaux de communication officieux avec l’Etat hébreu, mais il a la confiance du Hamas.
En effet, outre la présence d’une partie de l’état-major politique du Hamas sur le sol qatari [51] et un soutien massif de Doha au profit des Gazaouis [52] chez qui le Qatar possède d’ailleurs une ambassade [53], les autorités qataries se sont employées il y a plusieurs années à étendre leurs réseau d’interlocuteurs régionaux à des fins de rayonnement. Comme le rappelle Hasni Abidi, politologue spécialiste du monde arabe et directeur du CERNAM : « depuis 1995, dans sa stratégie d’être un pays utile, le Qatar a développé des relations avec plusieurs partis politiques. Il a accueilli des opposants de tous les bords politiques. À partir du Printemps arabe, le Qatar a reçu les dirigeants du Hamas, notamment parce que les États-Unis ne voulaient pas que ceux-ci s’exportent en Syrie ou en Iran » [54]. Cette capacité à dialoguer avec tout interlocuteur s’est illustrée par exemple en 2020 durant les négociations entre les Etats-Unis et les Talibans afghans à Doha ou encore, bien plus récemment, lors de la rencontre organisée le 15 octobre dernier dans la capitale qatarie entre le responsable du Hamas et le ministre iranien des Affaires étrangères, Hossein Amir Abdollahian, afin d’évoquer la situation à Gaza [55].
Conscient de son rôle pivot dans la région et des attentes internationales à son égard [56], le Qatar semble d’ores et déjà s’être discrètement engagé dans une forme de médiation prudente ; ainsi, tout en condamnant les actions d’Israël dans la bande de Gaza, Doha a appelé le 16 octobre le Hamas à libérer les femmes, enfants et personnes âgées kidnappées durant l’attaque du 7 octobre israélien [57]. Trois jours plus tôt, il appelait également « l’Occident » (sic) à empêcher Israël de continuer ses frappes aériennes et terrestres contre la bande de Gaza [58]. Le rôle de médiateur du Qatar semble toutefois relativement modéré, tout comme celui de l’Egypte, dans le contexte de la poursuite des combats à l’heure actuelle.
Conclusion
Ainsi, le conflit entre le Hamas et Israël s’avère relativement dommageable pour le processus de normalisation diplomatique initié avec succès par l’Etat hébreu ces dernières années. Toutefois, si des pays comme l’Arabie saoudite ont décidé de suspendre les tractations et d’autres, comme le Koweït, de se montrer plus opposé que par le passé à un tel rapprochement, les pays déjà signataires de traités de normalisation diplomatique – traité de paix dans le cas de l’Egypte et accords d’Abraham dans le cas des Emirats arabes unis et de Bahreïn – se sont montrés loyaux envers ces accords, bien que plongés dans des situations politiques relativement complexes à équilibrer. Le Qatar, à qui certains [59] prédisaient un rapprochement prochain avec Israël, jouera d’abord le rôle de médiateur dans ce conflit en raison de ses relations privilégiés avec le Hamas. Toute forme de médiation, qu’elle soit égyptienne ou qatarie, se montre pour le moment caduque en raison du manque d’envie des deux protagonistes de cesser les affrontements ; la tenue dans le temps des processus de normalisation engagés par Israël risque encore d’être particulièrement éprouvée par les événements à venir, notamment en cas d’intervention militaire terrestre dans la bande de Gaza par l’armée israélienne. Les semaines à venir, tout comme les décisions prises par les belligérants, se montreront ainsi décisives dans la capacité d’Israël à conserver ses fragiles -mais notables – acquis diplomatiques dans la région.
A lire sur les Clés du Moyen-Orient :
– Les frappes du Hamas confirment le bouleversement stratégique en cours
– Retour cartographique sur le conflit israélo-arabe (1/2) : des prémices du conflit israélo-palestinien à la première guerre israélo-arabe
– Hamas : de quoi le « Mouvement de résistance islamique » est-il le nom ?
– Les « Accords d’Abraham » entre Israël et les pays du Golfe (Émirats arabes unis et Bahreïn) : quelles relations historiques entre les États signataires et quelles conséquences géopolitiques pour le Moyen-Orient ? (1/2)
– La normalisation des relations irano-saoudiennes : vers un rebattage des cartes diplomatiques sur l’échiquier moyen-oriental
– Point de situation de la guerre au Yémen : la paix, mais pour qui ? (1/2)
Sitographie :
– Which countries have criticised Israeli attacks on Gaza ?, Al Jazeera, 15/10/2023
https://www.aljazeera.com/news/2023/10/15/which-countries-have-criticised-israeli-attacks-on-gaza
– Thousands protest across Middle East in support of Palestinians, France24, 13/10/2023
https://www.france24.com/en/live-news/20231013-thousands-protest-across-middle-east-in-support-of-palestinians
– UAE, Bahrain Condemn Abduction Of Israeli Civilians, Barron’s, 09/10/2023
https://www.barrons.com/news/uae-appalled-at-israeli-civilian-hostages-statement-81384bac
– Death toll in Israel-Hamas conflict tops 800 in Israel, nears 700 in Gaza, France24, 09/10/2023
https://www.france24.com/en/middle-east/20231009-%F0%9F%94%B4-live-israel-at-war-with-hamas-following-attacks-death-toll-surpasses-1-100
– Saudi-Israeli Peace Deal Appears Likely, Bahrain Official Says, Bloomberg, 26/09/2023
https://www.bloomberg.com/news/articles/2023-09-25/saudi-israeli-peace-deal-appears-likely-bahrain-official-says?leadSource=uverify%20wall
– UAE, after Israel-Gaza conflict, says it does not mix trade with politics, Reuters, 10/10/2023
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https://www.arabtimesonline.com/news/al-saadoun-urges-swift-action-on-gaza-conflict/
– Kuwait ‘categorically’ rejects Israel’s calls for forced displacement of Palestinians, Al Arabiya News, 14/10/2023
https://english.alarabiya.net/News/gulf/2023/10/14/Kuwait-categorically-rejects-Israel-s-calls-for-forced-displacement-of-Palestinians
– Kuwait crown prince receives Saudi FM, Arab News, 16/10/2023
https://www.arabnews.com/node/2392196/middle-east
– Israel-Palestine war : Solidarity protests erupt in Egypt’s Al-Azhar mosque, Middle East Eye, 13/10/2023
https://www.middleeasteye.net/news/israel-palestine-war-egypt-solidarity-protests-erupt-al-azhar-mosque
– L’Egypte muette après l’attaque meurtrière contre des touristes israéliens, Les Echos, 09/10/2023
https://www.lesechos.fr/monde/afrique-moyen-orient/legypte-muette-apres-lattaque-meurtriere-contre-des-touristes-israeliens-1985631
– Egypt warns of the dire dangers of the ongoing escalation between the Palestinian and Israeli sides and calls for restraint, 7enews, 07/10/2023
https://7enews.net/en/news-en/arab-news-en/egypt-warns-of-the-dire-dangers-of-the-ongoing-escalation-between-the-palestinian-and-israeli-sides-and-calls-for-restraint/
– Senior US lawmaker says Egypt warned Israel 3 days before onslaught, The Times of Israel, 11/10/2023
https://www.timesofisrael.com/liveblog_entry/senior-us-lawmaker-says-egypt-warned-israel-3-days-before-onslaught/
– Egypt intelligence official says Israel ignored repeated warnings of ‘something big’, The Times of Israel, 09/10/2023
https://www.timesofisrael.com/egypt-intelligence-official-says-israel-ignored-repeated-warnings-of-something-big/
– Egypt pushing Israel and Hamas to prevent escalation -Egyptian sources, Reuters, 09/10/2023
https://www.reuters.com/world/egypt-pushing-israel-hamas-prevent-escalation-egyptian-sources-2023-10-09/
– Israel, Hamas Hostilities : Egypt Moves Against Escalation As Killings Surge, Leadership, 11/10/2023
https://leadership.ng/israel-hamas-hostilities-egypt-moves-against-escalation-as-killings-surge/
– Palestinians flee northern Gaza after Israel orders 1 million to evacuate as ground attack looms, AP News, 14/10/2023
https://apnews.com/article/israel-palestinians-gaza-hamas-war-c8b4fc20e4fd2ef381d5edb7e9e8308c
– Egypte-Israël : la pression s’accentue au checkpoint gazaoui de Rafah, Libération, 16/10/2023
https://www.liberation.fr/international/moyen-orient/egypte-israel-la-pression-saccentue-au-checkpoint-gazaoui-de-rafah-20231016_KR2IKTVDSVEKZCXUQDIDTTANYU/
– Rafah border crossing : could Egypt open it to fleeing Palestinians ?, The Guardian, 15/10/2023
https://www.theguardian.com/world/2023/oct/15/rafah-border-crossing-could-egypt-open-it-to-fleeing-palestinians
– L’Égypte annonce le refus d’Israël d’ouvrir le poste-frontière de Rafah du côté de Gaza, Anadolu Ajansi, 16/10/2023
https://www.aa.com.tr/fr/monde/l-%C3%A9gypte-annonce-le-refus-d-isra%C3%ABl-d-ouvrir-le-poste-fronti%C3%A8re-de-rafah-du-c%C3%B4t%C3%A9-de-gaza-/3021685
– Gaza aid stuck as Egypt says Israel not cooperating, Reuters, 16/10/2023
https://www.reuters.com/world/egypt-us-israel-agree-ceasefire-southern-gaza-opening-rafah-crossing-0600-gmt-2023-10-16/
– Qatar : « Pas de normalisation avec Israël », The Times of Israel, 03/02/2022
https://fr.timesofisrael.com/qatar-pas-de-normalisation-avec-israel/
– Qatar Says Israel Is Responsible for Escalation, Oman, Bahrain Call for Restraint, Asharq Al-Awsat, 07/10/2023
https://english.aawsat.com/gulf/4590556-qatar-says-israel-responsible-escalation-oman-bahrain-call-restraint
– The world cannot keep turning a blind eye to Qatar’s funding of terrorism, The National News, date non-indiquée
https://www.thenationalnews.com/opinion/comment/the-world-cannot-keep-turning-a-blind-eye-to-qatar-s-funding-of-terrorism-1.900242
– | Qatar’s ATM for the Palestinians Is Fed by the War in Ukraine, Haaretz, 16/09/2022
https://www.haaretz.com/middle-east-news/2022-09-16/ty-article/.premium/qatars-atm-for-the-palestinians-is-fed-by-the-war-in-ukraine/00000183-4085-d070-abef-e497b7780000
– Quel rôle peut jouer le Qatar entre Israël et le Hamas ?, France Culture, 13/10/2023
https://www.radiofrance.fr/franceculture/podcasts/les-enjeux-internationaux/quel-role-peut-jouer-le-qatar-entre-israel-et-le-hamas-4004055
– Les ennemis d’Israël se réunissent au Qatar, i24News, 15/10/2023
https://www.i24news.tv/fr/actu/israel-en-guerre/1697346814-les-ennemis-d-israel-se-reunissent-au-qatar
– Guerre Israël-Hamas : le Qatar au centre des négociations, Jeune Afrique, 17/10/2023
https://www.jeuneafrique.com/1494052/politique/guerre-israel-hamas-le-qatar-au-centre-des-negociations/
– Le Qatar presse le Hamas de libérer les femmes, enfants et personnes âgées kidnappées, The Times of Israel, 16/10/2023
https://fr.timesofisrael.com/le-qatar-presse-le-hamas-de-liberer-les-femmes-enfants-et-personnes-agees-kidnappees/
– Qatar urges Western countries to prevent Tel Aviv regime’s strikes on Gaza, Nour News, 13/10/2023
https://nournews.ir/En/News/152772/Qatar-urges-Western-countries-to-prevent-Tel-Aviv-regime%27s-strikes-on-Gaza
– Qatari sheikh calls for normalising ties with Israel ‘who are like brothers’, Middle East Monitor, 14/10/2022
https://www.middleeastmonitor.com/20221014-qatari-sheikh-calls-for-normalising-ties-with-israel-who-are-like-brothers/