Le chef de l’Etat allemand Frank-Walter Steinmeier est arrivé lundi à Istanbul, première étape d’une visite de trois jours placée sous le signe des liens étroits entre les deux peuples tandis que les contacts avec son homologue Recep Tayyip Erdogan seront réduits au strict minimum.
Les deux hommes, qui se connaissent depuis 20 ans, entretiennent une relation tendue, comme l’illustre le fait que le social-démocrate ait attendu sept ans après son entrée en fonction avant d’effectuer un déplacement en Turquie et ne rencontrera son homologue que mercredi.
L’Allemagne critique régulièrement la politique jugée autoritaire mise en place par le président turc depuis le putsch manqué de 2016.
Le soutien d’Ankara au Hamas dans la guerre avec Israël, comme l’illustre encore sa rencontre samedi à Istanbul avec le chef du mouvement islamiste Ismaïl Haniyeh, a encore creusé le fossé.
Lundi, l’homme fort de la Turquie était à Bagdad pour sa première visite depuis plus d’une décennie.
Pendant ce temps là, M. Steinmeier s’est entretenu avec le maire d’Istanbul Ekrem Imamoglu, le responsable le plus populaire de l’opposition, perçu par certains comme un possible futur président.
Ce dernier a exprimé son grand regret que les relations de la Turquie avec l’Allemagne et l’Union européenne soient actuellement si mauvaises, indique-t-on dans l’entourage de M. Steinmeier qui a écouté son interlocuteur « avec beaucoup d’intérêt ».
– « Au coeur de notre société »
Officiellement, sa venue vise à célébrer le 100e anniversaire de l’établissement des relations diplomatiques entre les deux pays.
A cette occasion, le président allemand a rendu hommage aux migrants de Turquie qui ont « contribué à construire notre pays, l’ont rendu fort et appartiennent au cœur de notre société », lors d’une visite à la gare de Sirekci, d’où des centaines de milliers de Turcs sont partis dans les années 1960 pour aller travailler en Allemagne de l’ouest.
A la gare, une cinquantaine de manifestants l’ont accusé de soutenir « le génocide » à Gaza, avant d’être dispersés sans ménagement par la police, a constaté un journaliste de l’AFP.
Parmi les immigrés figurait le grand-père d’Arif Keles, dont la famille est propriétaire depuis trois générations d’un snack à kebab dans la capitale allemande.
Fait inhabituel, M. Keles a été invité dans l’avion présidentiel et doit servir son kebab lors de la réception officielle en soirée sur les rives du Bosphore.
Cette spécialité de sandwich de pain pita farci de fines tranches de viande, sauce blanche et salade a été introduite en Allemagne par des immigrés turcs. « Le kebab est devenu depuis une sorte de plat national allemand », a souligné un conseiller du président.
Avec un chiffre d’affaires annuel estimé à 7 milliards d’euros, le secteur allemand du kebab symbolise un succès de l’intégration turque.
– « Marque d’estime »
« Je considère que c’est une grande marque d’estime que de pouvoir faire partie du voyage », déclare le restaurateur.
Son grand-père a travaillé pendant des années dans une usine de fonte avant d’ouvrir son snack en 1986, raconte-t-il, « et maintenant le président m’emmène en tant que petit-fils dans la patrie de mes ancêtres ».
Mardi, le dirigeant allemand, dont les fonctions sont largement protocolaires, rendra visite aux survivants du tremblement de terre à Gaziantep, à la frontière syrienne, avant de s’entretenir mercredi à Ankara avec M. Erdogan.
Leur dernier tête-à-tête remonte à novembre, lors d’une visite controversée du président turc à Berlin.
Le chef de l’Etat allemand avait alors sèchement souligné « le droit à l’existence d’Israël », après que M. Erdogan eut paru le remettre en question dans le contexte de la guerre contre le Hamas à Gaza.
L’influence accrue de M. Erdogan au niveau géopolitique en fait toutefois un interlocuteur incontournable.
D’autant plus qu’il est aussi très populaire auprès de la diaspora turque en Allemagne, qui compte quelque 3 millions de personnes dont 1,2 million ont la nationalité turque.