Le pouvoir bloque Instagram en Turquie, pays aux 57 millions d’utilisateurs / COURRIER INTERNATIONAL

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COURRIER INTERNATIONAL, 3 août 2024

Instagram est bloqué en Turquie depuis deux jours. Les autorités turques ont pris cette décision après avoir accusé le réseau social de censurer les publications rendant hommage au chef du Hamas, Ismaël Haniyeh, mort dans une attaque attribuée à Israël. La Turquie compte l’un des plus gros contingents d’utilisateurs.

L’accès au réseau social Instagram est bloqué depuis le vendredi 2 août en Turquie, après une décision de l’Autorité turque des technologies de l’information et des communications (BTK), rapporte Evrensel. Le quotidien turc d’opposition souligne qu’aucune information sur le motif précis justifiant l’interdiction n’a été évoquée par les autorités, pas plus que sur les modalités de l’interdiction, temporaire ou définitive.

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L’événement survient après que l’influent ministre des Communications, Fahrettin Altun, s’en est pris publiquement au réseau social, qu’il accuse de censurer les contenus rendant hommage à Ismaïl Haniyeh, chef de la branche politique du Hamas palestinien, tué mercredi 31 juillet à Téhéran. Le leader islamiste, qui vivait à Istanbul jusqu’aux attaques du 7 octobre 2023, entretenait de très bonnes relations avec le pouvoir turc. Une journée de deuil national a été décrétée dans le pays à l’annonce de son décès.

Les partis de l’opposition CHP (social-démocrate) et Iyi Parti (nationaliste), ainsi que le barreau d’Ankara ont saisi vendredi soir la justice pour annuler l’interdiction d’accès.

Ironie et indignation sur les réseaux

Le pic des tensions géopolitiques au Moyen-Orient se répercute donc sur les utilisateurs turcs d’Instagram. Le réseau social permettant de partager des photos et des vidéos est l’application la plus prisée du pays : avec 57 millions d’utilisateurs sur une population de 85 millions d’habitants, la Turquie est le cinquième pays dans le monde en nombres d’utilisateurs mais le premier en termes d’utilisateurs actifs, souligne le site de la chaîne nationale TRT.

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Certains artisans et petits commerçants l’utilisent notamment pour faire du commerce en ligne. “Je suis en pleurs, toutes mes ventes passent par là, ils ont fermé mon magasin”, écrit un ami du journaliste turc Serhat Uçak, qui partage son témoignage sur le réseau social X.

D’autres internautes se fendent de messages plus ironiques. L’un moque l’offre promotionnelle d’un opérateur téléphonique qui proposait “5 Go d’Instagram gratuit” pour ses abonnés. Un autre se plaint de ne plus pouvoir flirter en ligne avec une de ses connaissances.

Dans l’attente d’une hypothétique levée du blocage, la plupart des utilisateurs se tournent vers le réseau social X, également très suivi en Turquie. Son propriétaire, Elon Musk, s’affiche d’ailleurs régulièrement en compagnie du président Erdogan.

Des tensions avec Facebook

Le réseau social Facebook, propriété comme Instagram du groupe Meta, a aussi été pointé du doigt. “Facebook forcé de faire marche arrière”, titre un article du quotidien progouvernemental Sabah. D’après le journal, le compte de la Direction générale des affaires religieuses, qui contrôle et rémunère le personnel religieux de Turquie, aurait été suspendu pour une durée d’un mois après la diffusion en direct d’une cérémonie religieuse organisée à Istanbul en hommage au leader islamiste assassiné. À l’issue d’un bras de fer avec les autorités turques, le compte a finalement été rétabli.

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Depuis quelques années la Turquie s’emploie à contrôler étroitement Internet. Une série de nouvelles lois permettent aux autorités de censurer facilement les réseaux sociaux majeurs comme de condamner lourdement les internautes accusés de “désinformation”. En 2023, 219 000 pages Internet ont été bloquées par les autorités et 5 800 articles de presse en ligne, portant principalement sur des affaires de corruption censurés, souligne une étude de l’association Free Web, citée par le média en ligne Arti Gerçek.

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