« Figure montante de l’ultradroite, Sinan Ates a été assassiné le 30 décembre dernier. Les soupçons se portent sur le MHP, un parti d’extrême droite. Un coup de massue pour les membres de la formation, dont certains font défection et se rasent la moustache. » Courriel International du 1 février 2023.
Depuis plusieurs semaines, un meurtre agite la scène politique turque et sème la zizanie dans les rangs de l’extrême droite, alliée au président Recep Tayyip Erdogan. Le 30 décembre, à Ankara, un leader d’extrême droite était abattu en pleine rue. Sinan Ates était l’ancien président du Foyer des idéalistes, principale association des Loups gris, le surnom donné à ces membres de l’extrême droite turque.
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Ses meurtriers présumés ont été rapidement arrêtés. Il s’agit de criminels de droit commun. Mais la simple piste d’un règlement de comptes mafieux a été écartée, car les criminels en question bénéficiaient de la protection et du soutien logistique de membres de la police, souligne le quotidien Birgün.
Lors d’une interpellation en lien avec l’enquête, les forces de l’ordre ont eu la surprise de trouver au domicile d’un suspect un député du MHP (Parti d’action nationaliste), le puissant parti d’extrême droite turc, qui les a vivement houspillés et s’est opposé à l’arrestation.
Pression de la famille
Au nombre de dix-sept, les arrestations dans cette affaire pointent toutes dans la direction du MHP, dont certains caciques s’inquiétaient de l’influence grandissante de Sinan Ates – en rupture avec la direction du parti – sur une partie de la jeunesse d’extrême droite.
La nomination à la tête de l’enquête d’un procureur connu pour ses liens avec le MHP fait craindre que l’investigation n’aille pas jusqu’à identifier les commanditaires de l’assassinat.
La famille de Sinan Ates, engagée à l’extrême droite mais aussi en faveur de l’AKP, le parti islamo-nationaliste d’Erdogan, menace de dévoiler certaines informations qui seraient en sa possession et de mobiliser ses soutiens, rapporte le média en ligne T24.
Moustache en croissant
L’indignation que ce meurtre a soulevée dans les rangs de l’extrême droite turque a déjà débouché sur plusieurs milliers de défections au sein du MHP. Certains militants ont mis en scène leur départ et leur déception en se rasant la moustache, note le média en ligne Gazete Duvar, qui a réalisé une compilation de vidéos faites rasoir en main sur les réseaux sociaux.
Il est de coutume pour les Loups gris d’arborer une moustache dite “en croissant”. Vieux signe de reconnaissance du fascisme turc, cette moustache forme, avec les sourcils, les trois croissants qui sont le sigle du MHP. Elle est aussi appelée “croc de loup”, l’animal emblématique de l’extrême droite turque. “
Certains rasent leur moustache et s’en vont, nous ne regrettons pas leur départ”, a tranché le leader du MHP, Devlet Bahçeli, dans un discours prononcé le 31 janvier et cité par Cumhuriyet. Le dirigeant s’est aussi indigné des enquêtes d’opinion, accusant les instituts de sondage d’être “vendus” à l’opposition.
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L’affaire du meurtre de Sinan Ates est un coup dur pour le MHP, déjà en déclin depuis plusieurs années et qui n’est pas assuré de parvenir, lors des élections du 14 mai, à franchir le seuil des 7 % nécessaire pour obtenir des députés au Parlement.
Par ricochet, cet étiolement du MHP fragilise la coalition dirigée par Recep Tayyip Erdogan. D’autant que la principale formation d’opposition de droite, le IYI Parti, entend profiter de cette sombre histoire pour convaincre les électeurs nationalistes.
“Qui sabote le processus judiciaire ? Qui protège les assassins ? Erdogan, tu ne peux pas laisser les bandits et les mafieux prospérer au sein de l’État, ce sang t’éclabousse !” s’est exclamée au Parlement la dirigeante du parti, Meral Aksener, citée par le quotidien Sözcü.
Courriel International, le 1 février 2023.