Le mécène Osman Kavala, dont la peine de prison à vie vient d’être confirmée par la justice turque, a dénoncé vendredi un mépris du droit et de la vie humaine, selon ses propos rapportés par un de ses proches.
L’Orient le Jour, le 29 septembre 2023
En prison depuis six ans, l’homme d’affaires, figure de la société civile et bête noire du gouvernement de Recep Tayyip Erdogan est accusé d’avoir cherché à renverser le gouvernement en finançant des manifestations hostiles au pouvoir en 2013. « Cette décision résulte d’une vision qui ne valorise ni le droit ni la vie humaine », a confié vendredi le philanthrope au député de l’opposition Enis Berberoglu qui lui a rendu visite dans la prison de Silivri, à l’ouest d’Istanbul.
M. Berberoglu, qui a rapporté ses propos à l’AFP, a précisé que l’entretien avait duré « quinze à vingt minutes ».
Osman Kavala lui a dit avoir appris la décision de la Cour de cassation « à la télévision » alors qu’il écrivait une lettre à un proche. « Il était sur le point d’écrire ‘Si je dois rester ici plus longtemps’ et il a vu l’info à la télévision. Il a alors écrit ‘Je pense que je resterai longtemps’ », a affirmé le député. Le mécène a cependant assuré au député « avoir bon moral ».
Coup porté aux droits de l’homme
« Chaque jour où Osman Kavala est emprisonné est un jour de trop. Chaque jour constitue une violation des obligations de la Turquie en tant que partie à la Convention européenne des droits de l’homme. L’arrêt rendu hier (…) est un signal dévastateur pour les droits de l’homme et l’État de droit en Turquie », a réagi vendredi le ministère allemand des Affaires étrangères sur le réseau social X (ex-Twitter).
Amnesty International a de son côté dénoncé le verdict d’être « politiquement motivé » et de viser à « faire taire les voix indépendantes ».
« Cette décision épouvantable est un coup dévastateur (…) porté aux droits de l’homme », a déclaré Ruth Tanner, directrice de campagne pour l’Europe, dans un communiqué. « Malheureusement, ces actions continuent de saper les perspectives de la Turquie dans l’UE », a affirmé le rapporteur du Parlement européen sur la Turquie, Nacho Sanchez Amor, sur le réseau social X (ex-Twitter).
Osman Kavala qui a vu tous ses appels rejetés a été condamné définitivement jeudi soir à la « réclusion à perpétuité aggravée » pour son rôle présumé dans les manifestations de Gezi en 2013 à Istanbul. Ce qui signifie qu’il ne peut y avoir de libération anticipée et que le détenu restera à l’isolement. Osman Kavala a toujours nié les charges pesant contre lui.
Les condamnations de quatre de ses co-accusés à dix-huit ans de prison ont été également confirmées en cassation, dont celle de Can Atalay, élu député en mai et qui perd donc son mandat.
Trois autres ont en revanche vu leurs peines annulées dont Mücella Yapici, porte-parole de Solidarité Taksim, collectif au coeur des manifestations dites de Gezi, qui avaient déstabilisé en 2013 le pouvoir de Recep Tayyip Erdogan, alors Premier ministre. M. Kavala avait dénoncé lors de son procès un « assassinat judiciaire » contre lui et l’influence du chef de l’Etat sur son procès.
Les responsables du Conseil de l’Europe ont sommé à plusieurs reprises la Turquie de libérer immédiatement le mécène turc, après un arrêt jugeant qu’Ankara avait violé la Convention européenne des droits de l’Homme.
Le refus de la Turquie d’appliquer cet arrêt lui vaut une procédure d’infraction, qui pourra aller jusqu’à son expulsion du Conseil de l’Europe.