France Inter, jeudi 26 décembre 2024
En Syrie, la chute de Bachar al-Assad aiguise les appétits de deux pays qui s’affrontent de plus en plus ouvertement : la Turquie et Israël.
La Turquie et Israël ont un point commun : ils sortent tous deux renforcés par la chute du régime Assad en Syrie.
La Turquie est proche des nouveaux maîtres de Damas, qu’elle a soutenus et financés. Elle exerce à nouveau une influence en Syrie. Et le président Erdogan peut espérer régler deux problèmes : repousser les Kurdes qui contrôlent le nord-est de la Syrie, cousins du PKK, son ennemi juré ; et favoriser le retour des 3 à 4 millions de réfugiés syriens accueillis en Turquie depuis la guerre.
De son côté, Israël se félicite d’un nouveau coup porté à l’axe iranien dit « de la résistance ». L’Iran et le Hezbollah ont été chassés de Syrie. Israël peut pousser son avantage dans la région du Golan et occuper la zone-tampon à la frontière. Et l’Etat hébreu frappe les infrastructures militaires syriennes pour qu’aucune arme ne tombe entre de mauvaises mains.
Mais les deux pays ont aussi des raisons de se méfier l’un de l’autre
La Turquie et Israël entretiennent des relations exécrables, surtout depuis les massacres du 7 octobre l’an dernier. Erdogan présente Netanyahu comme « le boucher de Gaza ». Et fait preuve de beaucoup d’indulgence avec le Hamas. Ce qui est impardonnable pour les dirigeants israéliens.
La Turquie s’inquiète aussi des mouvements de l’armée israélienne dans le Golan. Erdogan a redit cette semaine que l’intégrité territoriale de la Syrie était pour lui une « ligne intangible ». Il se méfie enfin du soutien que pourrait apporter Israël aux Kurdes, dont l’Etat hébreu a toujours été proche.
Et Israël s’inquiète des ambitions de la Turquie
La Turquie proche des Frères musulmans, dont est issu le Hamas. Israël n’était pas serein avec un régime soutenu par son ennemi iranien à Damas, mais ne veut surtout pas avoir pour voisins des islamistes sunnites qui menaceraient sa sécurité. Le groupe HTS qui a fait tomber Assad, voire le réveil de cellules dormantes de Daech.
Israël constate par ailleurs que la Turquie s’est rapprochée de l’Iran. Les présidents Erdogan et Pezechkian ont échangé une poignée de mains chaleureuse la semaine dernière lors d’un sommet au Caire.
Un affrontement serait donc possible entre la Turquie et Israël ?
C’est improbable à ce stade. Les deux pays ont chacun d’autres priorités : les Kurdes pour la Turquie, l’Iran pour Israël.
Israël préfère indiscutablement une Syrie dominée par la Turquie à une Syrie sous l’influence de l’Iran.
Surtout, les deux rivaux ont un allié commun, les Etats-Unis. L’administration Trump aura un rôle majeur à jouer pour éviter que les relations ne se dégradent entre Israël et la Turquie, membre de l’OTAN.
On peut toutefois douter de l’impartialité du président élu américain, très proche d’Israël, et souvent sévère avec la Turquie. Le supposé médiateur peut aussi devenir celui qui attise le feu.