Courrier International, 26 Mars 2021
Jeudi 25 mars, les leaders des 27 États membres, réunis pour un Conseil européen virtuel, ont donné leur accord de principe à un renouvellement du deal de 2016, qui prévoit qu’Ankara bloque le départ illégal de migrants vers l’UE. Une réouverture indirecte à Erdogan qui comporte des risques, prévient la presse internationale.
Une relance de la coopération avec la Turquie “progressive, proportionnée et réversible” sur les thèmes de la migration et du commerce. Au moment de notifier au reste du monde leur décision, les dirigeants de l’UE ont de toute évidence joué la carte de la prudence. Mais les faits sont bien là. Bruxelles et Ankara vont continuer leur coopération sur un thème très sensible : celui des migrants. Et bien qu’il n’y ait pas encore d’accords signés entre les deux parties, Politico fournit déjà quelques précisions sur les intentions de l’UE.
“Le document final charge la Commission européenne de présenter une proposition pour ‘poursuivre le financement lié à la gestion des réfugiés syriens en Turquie, mais aussi en Jordanie, au Liban et dans d’autres parties de la région’”, détaille le site d’information situé à Bruxelles qui rappelle aussi les termes de l’accord précédent. Celui-ci, “signé en 2016”, prévoyait “un financement à hauteur de 6 milliards d’euros” pour Ankara, qui se voyait chargé notamment de prendre les mesures nécessaires pour bloquer l’immigration irrégulière depuis son territoire vers l’Europe.
Un rôle de “surveillance”, extrêmement important pour Bruxelles, lorsque l’on se souvient du chaos qu’avait suivi la prise de position d’Erdogan en février 2020. Alors mécontent des termes de l’accord, le président turc avait “encouragé les migrants et les réfugiés présents sur son sol à pénétrer de force dans l’UE”, rappelle Politico. Voilà qui avait provoqué une fuite massive et soudaine vers la Grèce, et par conséquent, des tensions extrêmement fortes entre Athènes et Ankara.
Depuis, le climat entre la Turquie et plusieurs grands pays européens ne s’est pas véritablement apaisé. En témoignent les tensions avec la Grèce en Méditerranée et les déclarations offensives du “sultan” à l’encontre d’Emmanuel Macron. Mais ces dernières semaines, quelque chose a changé.
L’apaisement avec Macron ?
Comme l’explique La Repubblica, en effet :
« Depuis le début de cette année, Ankara a lancé ce que les diplomates français appellent une ‘offensive de charme’. Fin janvier, le dialogue avec la Grèce concernant les exploitations de gisement d’hydrocarbures en mer Egée a été relancé. Erdogan a également suspendu sa guerre d’insulte avec Macron et il ne s’est pas opposé à la formation d’un nouveau gouvernement en Libye.«
“Nous sommes dans une dynamique positive et il n’y a pas de raisons de briser cet élan”, commente même une source anonyme proche de l’Élysée dans les colonnes du quotidien romain.
Une palette de carottes et de bâtons
Voilà pourquoi les négociations entre l’UE et la Turquie ont été rouvertes, même avec prudence. Un rapprochement qui semble laisser sceptique le quotidien belge Le Soir :
« L’UE cherche à ‘encourager les développements positifs en présentant une palette de carottes et de bâtons. Reste à voir si les carottes européennes seront assez appétissantes pour convaincre Erdogan de jouer la carte du rapprochement.«
Comme le rappelle le média francophone, les Européens ont souvent été “échaudés par le chaud et le froid” soufflés par Ankara, et ils se montrent désormais prudents, d’un côté en renforçant le dialogue et en offrant “une libéralisation de son union douanière avec la Turquie”, de l’autre en se tenant prêts à activer des ripostes. Celles-ci pourraient aller jusqu’aux sanctions économiques en cas de provocations.
2,5 milliards d’euros à prévoir
Erdogan, quant à lui, dispose toujours du même levier, rappelle le journal de Bruxelles, “rouvrir ses frontières aux 4 millions de réfugiés syriens sur son sol”. Voilà un argument pour convaincre les Vingt-Sept, qui se préparent à “rouvrir à nouveau leur portefeuille”, prévient Politico :
« Selon un diplomate européen, la Commission serait en train de songer à recueillir 2,5 milliards d’euros des États membres pour un financement initial [du nouvel accord] de trois ans.«