Alliée de l’Azerbaïdjan, la Turquie espère que la capitulation de l’enclave arménienne va entraîner d’autres concessions de la part d’Erevan.
21 Septembre 2023, paru dans Courrier International.
La victoire éclair de l’Azerbaïdjan, qui est parvenu, après vingt-quatre heures de bombardements menés mardi 19 septembre, à obtenir la reddition, sous la forme de l’acceptation d’un cessez-le-feu, des séparatistes arméniens de la région du Haut-Karabakh, est saluée par la presse du “grand frère” turc.
Après avoir réaffirmé son soutien aux prétentions azéries sur la région le 20 septembre à la tribune des Nations unies, à New York, le président turc, Recep Tayyip Erdogan, s’est entretenu avec le dictateur azéri, Ilham Aliev, avant de publier un message de soutien, rapporte le quotidien Milliyet.
Reprenant la formule populaire en Turquie “Un même peuple, deux États” pour qualifier sa relation avec Bakou, le leader turc s’est réjoui que “tout le monde accepte désormais que le Haut-Karabakh est bel et bien une terre azérie”. Et a asséné : “Toute autre solution est inacceptable.”
Une défaite franco-américaine
La chute de l’enclave arménienne est une défaite cinglante pour les diplomaties américaine et française, souligne le journaliste spécialiste des questions internationales Murat Yetkin sur son site internet Yetkin Report.
Ces deux pays avaient tenté de jouer les intermédiaires et mis en garde Bakou contre toute nouvelle agression, après le conflit de 2020, mais les derniers événements sonnent l’échec retentissant de leurs efforts, symbole de la diminution de leur influence dans la région, analyse le journaliste.
Il s’agit en revanche d’une victoire pour la Turquie, mais aussi pour la Russie, dont les forces de maintien de la paix présentes sur place ne sont pas intervenues et qui obtient ainsi sa revanche sur Erevan.
Le Premier ministre arménien Nikol Pachinian, dont le pays est un allié traditionnel de la Russie, avait en effet mécontenté Moscou, souligne le journaliste, en menant récemment des exercices militaires conjoints avec l’armée américaine, alors que sa femme s’est rendue en Ukraine au début du mois, à l’invitation de la première dame ukrainienne.
“Les puissances impérialistes, au premier rang desquelles la France et les États-Unis, ont fait fausse route en soutenant les terroristes arméniens, et doivent aujourd’hui reconnaître leur défaite”, considère quant à lui un éditorialiste du quotidien islamo-nationaliste Yeni Safak, proche du parti au pouvoir, l’AKP.
Déjà largement défaite lors du conflit en 2020, l’Arménie n’a pas pu voler au secours de l’enclave qu’elle avait conquise de facto en 1994 à la suite de son conflit avec l’Azerbaïdjan, après l’effondrement de l’URSS.
De nombreuses questions persistent sur l’avenir des 120 000 habitants arméniens de la région. Plusieurs milliers, inquiets de possibles exactions des forces armées azéries, se sont réfugiés dans les bases des forces de maintien de la paix russes, et 10 000 ont déjà été évacués de la zone vers l’Arménie.
“Jours sombres”
“Des jours sombres attendent l’Arménie et les Arméniens”, s’inquiète Agos, le quotidien arménien de Turquie. “Ils sont désormais entièrement à la merci d’Aliev, ce qui n’est pas une bonne nouvelle compte tenu du type de régime en place à Bakou”, souligne le journal.
L’Arménie s’inquiète désormais que cette capitulation ne pousse Bakou à réclamer la création, longtemps demandée, d’un corridor terrestre, dit “de Zangezur”, qui traverserait le sud de l’Arménie afin de relier l’Azerbaïdjan à sa république sœur et autonome du Nakhitchevan, puis à la Turquie.
Une perspective qui fait exulter la presse turque, car cela lui ouvrirait un lien logistique direct vers l’Azerbaïdjan et, au-delà, vers l’Asie centrale. “C’est désormais au tour de Zangezur de retourner à la mère patrie. Au vu de la conjoncture géopolitique actuelle, de la situation militaire et de la détermination politique [turque et azérie], ce n’est qu’une question de temps”,estime le quotidien Sabah.