Le Monde, 1 juillet 2021, image: EPA-EFE/ERDEM SAHIN
Des milliers de manifestants ont prévu de descendre dans les rues du pays jeudi, alors qu’une cour d’appel a rejeté cette semaine un recours destiné à suspendre le retrait de la Turquie de la convention d’Istanbul.
Ce geste était apparu comme une nouvelle provocation de Recep Tayyip Erdogan, à l’égard de ses partenaires européens. La Turquie s’est officiellement retirée, jeudi 1er juillet, d’une convention internationale contre les violences faites aux femmes, mettant en œuvre une décision annoncée en mars par le président turc qui a provoqué des critiques de nombreux citoyens turcs et d’alliés occidentaux d’Ankara.
Des milliers de manifestants ont prévu de descendre à nouveau dans les rues du pays jeudi, alors qu’une cour d’appel a rejeté cette semaine un recours destiné à suspendre le retrait de la Turquie de la convention d’Istanbul, premier traité international – signé… dans la capitale turque en 2011 – à fixer des normes juridiquement contraignantes dans une trentaine de pays pour prévenir les violences sexistes.
« Nous allons continuer notre lutte », a déclaré mercredi Canan Gullu, présidente de la Fédération des associations des femmes turques. « La Turquie se tire elle-même dans le pied avec cette décision. » Depuis mars, a-t-elle ajouté, les femmes et d’autres groupes vulnérables font preuve de plus de réticence à demander de l’aide et sont moins enclins à en recevoir, tandis que les difficultés économiques liées à la crise sanitaire du coronavirus ont accentué les violences domestiques.
Sentiment d’impunité
Les associations de défense des droits des femmes accusaient déjà le gouvernement de ne pas appliquer avec assez de fermeté les lois qui existantes, ce qui, selon elles, encourage le sentiment d’impunité. Trois cents femmes au moins sont mortes sous les coups de leur conjoint en Turquie l’année dernière, selon le groupe de défense des droits We Will Stop Femicide.
La convention d’Istanbul, négociée dans la ville turque et ratifiée en 2011, engage ses signataires à prévenir les violences domestiques et autres abus du même ordre – comme le viol conjugal et la mutilation génitale féminine –, engager des poursuites judiciaires le cas échéant et à promouvoir l’égalité. Toutefois de nombreux conservateurs en Turquie et dans les rangs du Parti de la justice et du développement (AKP) du président Erdogan estiment que la convention nuit aux structures familiales protégeant la société.
Certains y voient même la promotion de l’homosexualité du fait des principes contre la discrimination liée à l’orientation sexuelle inscrits dans le texte. « Le retrait de notre pays de la convention ne va pas entraîner une lacune juridique ou pratique dans la prévention des violences contre les femmes », ont déclaré les services d’Erdogan dans un communiqué transmis mardi au tribunal administratif.
Sur le même sujet: Face à Recep Tayyip Erdogan, des féministes de plus en plus jeunes, RTBF, 30 juin 2021, Anne Andlauer