La Turquie propose d’aider la Syrie à reconstruire son système énergétique sur fond d’enjeux stratégiques / Claire Fages/ RFI

Must read

RFI, le 30 décembre 2024

Une délégation du ministère turc de l’Énergie est en Syrie depuis samedi 28 décembre pour aider les nouvelles autorités de Damas à rétablir l’accès aux services énergétiques, après la chute de Bachar el-Assad. En toile de fond, des enjeux pétroliers et gaziers, terrestres, mais aussi maritimes.

La Turquie est décidément très active auprès des nouvelles autorités syriennes, depuis que le mouvement islamiste Hayat Tahrir al-Sham (HTS) d’Ahmad al-Chareh (aussi connu sous le nom d’Abou Mohammed al-Joulani) renversé Bachar el-Assad le 8 décembre dernier. Ankara vient de dépêcher samedi 28 décembre une délégation du ministère turc de l’Énergie pour proposer d’aider la Syrie à reconstruire son système énergétique.

« Nous devons rapidement fournir de l’électricité aux régions de Syrie qui en sont privées », a déclaré depuis Ankara le ministre Alparslan Bayraktar. « D’abord par des importations. Ankara pourrait envoyer de l’électricité au Liban via la Syrie, a précisé le ministre turc. Nous envisageons aussi de mettre sur pied une production locale d’électricité ».

Remplacer le brut iranien

La Turquie fournit déjà de l’électricité au nord de la Syrie, qui est sous le contrôle de son armée. Mais sur le reste du territoire syrien, la moitié du réseau électrique a été détruit depuis le déclenchement de la guerre civile en 2011. La chute de Bachar el-Assad début décembre a en outre mis fin aux livraisons des tankers iraniens. La grande centrale thermique du pays, près de la raffinerie de Baniyas (30 MW), n’est donc plus alimentée.

Vidéo associée: La Turquie était informée des plans de renversement d’Assad six mois à l’avance (i24 News – French)

La Syrie est bien un producteur d’hydrocarbures, mais les principaux gisements situés dans le gouvernorat de Deir Ezzor dans l’est du pays sont sous contrôle kurde et américain. Le rapprochement actuel des autorités d’Ankara avec l’organisation séparatiste kurde du PKK pourrait changer la donne et faciliter la réintégration des revenus du pétrole dans les caisses de l’État syrien (25 % du budget en 2010 avec une production nationale de 400 000 barils par jour, contre 30 000 aujourd’hui dont moins de 8 000 contrôlés par Damas) si les exportations sont libérées des sanctions occidentales.

Projet de corridor gazier du Qatar à l’Europe

Mais les projets énergétiques de la Turquie vont bien au-delà. « Nous allons travailler sur un plan d’infrastructure avec les nouveaux dirigeants. Il y a beaucoup de sujet qui doivent mûrir, comme un oléoduc de la Syrie à la Turquie, qui rejoindrait notre oléoduc entre l’Irak et la Turquie. » La Syrie pourrait donc être raccordée à l’oléoduc entre Kirkouk et Ceyhan, sur la rive turque de la Méditerranée, pour lui offrir un accès aux ressources ou un débouché à ses exportations.

Le ministre turc a également déterré le méga-projet de corridor gazier datant du début des années 2000. « Il y a des discussions en cours pour transporter du gaz du Qatar vers la Turquie et l’Europe, via la SyrieCes plans sont toujours à leurs débuts », a-t-il reconnu, « et requièrent des études techniques et financières plus poussées. »

Partage des ressources maritimes avec la Syrie

La Turquie tente ainsi de redessiner la carte des infrastructures énergétiques terrestres, à la faveur du changement de régime en Syrie, mais elle entend également revoir à cette occasion la carte des ressources maritimes en Méditerranée orientale, une zone riche en hydrocarbures que se disputent les pays riverains.

« Nous allons conclure un accord de souveraineté maritime avec l’administration syrienne », déclarait le ministre turc des Transports Abdulkadir Uraloğlu à Ankara, le 24 décembre lundi dernier. De quoi inquiéter Chypre et la Grèce, déjà fort mécontentes de l’accord maritime turc avec la Libye. Cet accord avait été jugé illégal par l’Union européenne, qui ne s’est pas encore positionnée sur la nouvelle définition en cours des frontières maritimes entre la Turquie.

À lire aussiDepuis la chute des Assad en Syrie, la Turquie a les yeux rivés sur les régions pro-kurdes du Rojava

More articles

Latest article