Le président turc, Recep Tayyip Erdogan, dont la demande d’adhésion à l’Union européenne reste au point mort, avait déjà manifesté son intérêt pour ce groupe de pays émergents comprenant notamment la Chine et la Russie. Il s’agit du premier membre de l’OTAN à postuler auprès de ce club informel, ce qui agace les Occidentaux.
Les efforts de l’Union européenne (UE) et des Etats-Unis auront été vains. Ankara a officiellement demandé à rejoindre le groupe des BRICS, acronyme en anglais pour ses premiers membres (Brésil, Russie, Inde, Chine et Afrique du Sud), malgré les réticences des capitales occidentales. La Turquie deviendrait ainsi le premier membre de l’Organisation du traité de l’Atlantique Nord (OTAN) à intégrer ce club informel de pays du Sud, souvent considéré comme une solution de rechange au G7 (Allemagne, Canada, Etats-Unis, France, Italie, Japon et Royaume-Uni), lui-même bientôt dépassé en matière de PIB par les BRICS. L’information, révélée lundi 2 septembre par l’agence Bloomberg, citant des sources proches du dossier, n’a été ni confirmée ni infirmée par le ministère des affaires étrangères et la présidence turque.
A plusieurs reprises dans le passé, le président turc, Recep Tayyip Erdogan, avait exprimé son intérêt pour une adhésion aux BRICS, mais aucune discussion formelle n’avait eu lieu jusqu’à ces derniers mois. C’est sa participation au sommet de Johannesburg, en Afrique du Sud, en 2018, qui avait, dans un premier temps, attiré l’attention. L’accélération du processus d’adhésion de la Turquie est devenue, elle, nette à partir de la fin de l’année 2023.
A l’époque, les BRICS viennent d’annoncer leur intention de doubler le nombre de leurs membres, en invitant notamment l’Egypte, l’Iran et les Emirats arabes unis. Côté turc, plusieurs signaux d’Ankara laissent alors clairement deviner une volonté de rapprochement. On évoque l’invasion russe en Ukraine et les dissensions avec les autres membres de l’OTAN après que la Turquie a maintenu des liens étroits avec Moscou, de même que le soutien indéfectible des Occidentaux au gouvernement israélien de Benyamin Nétanyahou dans sa guerre à Gaza, en porte-à-faux avec les positions du gouvernement islamo-nationaliste de M. Erdogan. Et puis il y a cette musique qui ne cesse alors de monter à Ankara, reprochant aux Européens l’absence de progrès dans sa tentative d’adhésion à l’UE.
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Le 3 juin, le ministre des affaires étrangères, Hakan Fidan, lors d’une visite à Pékin – la plus importante d’un officiel turc en Chine depuis 2012 – est interrogé sur la volonté de son pays de rejoindre les BRICS. « Nous aimerions, bien sûr. Pourquoi pas ? », a-t-il promptement répondu. Le propos est salué, dès le lendemain, par Moscou, qui affirme par la voix du porte-parole du Kremlin, Dmitri Peskov, que la Russie accueille favorablement le souhait de la Turquie et que le sujet sera sur la table lors de la rencontre des BRICS à Nijni Novgorod (Russie) les 10 et 11 juin.
Ankara réalise plus de la moitié de ses échanges annuels avec l’UE
A peine quelques jours plus tard, M. Fidan a tenu à préciser : « Les BRICS sont une organisation qui accroît la diversité des approches, des identités et des politiques dans le système économique mondial. » Un propos qui rejoint les positions maintes fois évoquées par la diplomatie turque, adepte d’une politique étrangère à « 360 degrés », refusant de favoriser « une option, un acteur, une région ou un pays en particulier par rapport à d’autres », comme le martelaiten son temps Ibrahim Kalin, l’ancien proche conseiller du président, aujourd’hui patron des services secrets.
L’intérêt d’Ankara pour un groupe économique de pays dits « émergents » dirigé par la Chine et la Russie a fait évidemment sourciller les capitales européennes. Au site d’information Middle East Eye, un haut fonctionnaire turc avait alors admis que la Turquie était attirée par les BRICS parce qu’ils n’exigent pas d’engagements ou d’accords politiques ou économiques. « Les BRICS ne sont pas là pour remplacer l’OTAN ou l’UE, a-t-il souligné. Toutefois, le blocage du processus d’adhésion à l’UE nous incite à explorer d’autres plates-formes économiques. Nous aimerions faire partie de toutes les plates-formes multilatérales, même si elles n’ont qu’une faible chance de nous être bénéfiques. »
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A l’exception de la Chine, la Turquie n’a pas d’échanges commerciaux significatifs avec les autres pays des BRICS. Le pays, englué dans une grave crise financière et une spirale inflationniste, réalise encore plus de la moitié de ses échanges annuels avec l’UE. C’est pour cette raison que Hakan Fidan a cru bon de rappeler, fin août, que le rapprochement avec Bruxelles restait « un objectif stratégique » pour Ankara, après avoir participé à une réunion informelle avec ses homologues européens pour la première fois depuis cinq ans. « La relance des liens entre la Turquie et l’UE sera bénéfique pour tous », a-t-il ajouté.
Une déclaration aussitôt nuancée par le président Erdogan, samedi 31 août. A l’Académie militaire d’Ankara, le chef de l’Etat a déclaré que son pays ne pouvait atteindre « son objectif en se tournant uniquement vers l’Occident ». Et de préciser : « La Turquie peut devenir un pays fort, prospère, prestigieux et efficace s’il améliore simultanément ses relations avec l’Est et l’Ouest. Toute autre méthode ne profitera pas à la Turquie, mais elle lui nuira. »
La poursuite de l’élargissement des BRICS devrait être discutée lors d’un sommet qui se tiendra à Kazan, en Russie, du 22 au 24 octobre. La Malaisie, la Thaïlande et l’Azerbaïdjan, proche allié de la Turquie, figurent parmi les autres pays désireux de rejoindre le groupe.