« Cherchant à s’affranchir de sa dépendance aux importations d’équipements militaires et aux embargos qu’elle a pu subir depuis 1974, la Turquie a développé sa propre industrie. Cette dernière se tourne de plus en plus vers l’export, observe la presse du pays » rapporte Courrier International.
L’industrie de défense turque gonfle ses muscles, notamment à l’international. En 2021, les entreprises du pays ont exporté pour 3,2 milliards d’armes à l’étranger. Un chiffre “qui pourrait atteindre 4 milliards cette année”, indique Daily Sabah.
Selon le quotidien progouvernement, les Philippines sont ainsi devenues début mars le premier pays étranger à recevoir les hélicoptères d’attaque et de reconnaissance Atak, vendus pour 280 millions de dollars.
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Et à la mi-mars, ce sont les tanks turcs qui se sont vendus pour la première fois à l’étranger, plus précisément en Indonésie, rapporte le quotidien Aksam. Ces chars légers Kaplan MT sont fabriqués dans le cadre d’un accord entre les industries de défense des deux pays, qui comprend notamment un volet de transfert de technologies.
La fin de la dépendance aux importations ?
Autre bonne nouvelle pour le secteur : la livraison le 14 mars par la Corée du Sud des moteurs destinés au premier programme de chars de combat Altay, qui peinait à progresser depuis son lancement en 2007, rapporte Daily Sabah dans un autre article. L’industrie de la défense turque reste en effet encore très dépendante de ce type d’importations.
Le pays cherche néanmoins à s’affranchir de cette dépendance et plus globalement de la dépendance aux importations d’équipements, comme en témoignent les récentes déclarations d’Ismail Demir, directeur de l’industrie de la défense turque, rapportées par le quotidien Milliyet.
« Alors que des conflits font rage partout autour de nous, nous n’avons pas le luxe de pouvoir dépendre de l’étranger dans ce secteur stratégique, nous devons devenir autosuffisants. […] Nous devons soutenir notre jeunesse pour qu’elle nous porte vers cet âge où la technologie est devenue cruciale.”
Une autosuffisance croissante de la Turquie en matière d’armement la mettrait surtout à l’abri des embargos militaires décrétés contre elle, comme ce fut le cas après l’invasion de l’île de Chypre en 1974, ou plus récemment lorsque les États-Unis ont annulé leur livraison d’avions de dernière génération F-35 en représailles à l’achat par Ankara du système de missiles antiaériens russe S-400.
En avril 2021, c’était au tour du Canada de suspendre l’exportation vers la Turquie des systèmes électro-optiques, quasiment indispensables dans la fabrication de drones, sur fond d’usage de drones turcs dans le conflit du Haut-Karabakh entre l’Azerbaïdjan et l’Arménie. Une décision ayant réorienté la production de ces systèmes vers Aselsan, le fleuron de l’industrie armée turque en matière de technologie, se réjouit le quotidien Takvim.
La guerre en Ukraine, un coup d’arrêt ?
L’invasion de l’Ukraine par la Russie risque toutefois de porter un coup dur à l’industrie de défense turque, encore très focalisée sur la production de drones. Ces petits avions sans pilote sont désormais présents dans l’arsenal militaire de 19 pays.
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Ils ont été massivement utilisés par la Turquie lors de ses engagements militaires en Syrie et en Libye, mais aussi par d’autres pays, dont l’Azerbaïdjan, qui en fait usage face à l’Arménie, l’Éthiopie, qui les utilise dans sa guerre contre les rebelles du Tigré, et l’Ukraine, qui s’en est d’abord servi face aux rebelles du Donbass puis contre l’armée russe après l’invasion.
La guerre en Ukraine pourrait notamment renvoyer aux calendes grecques les accords majeurs conclus ces derniers mois entre les industries armées turques et ukrainiennes, dans le cadre desquelles des drones TB2 devaient être produits en Ukraine, rapporte le Middle East Eye.
Courrier International, 21 mars 2022