Le président turc, Recep Tayyip Erdogan, a effectué lundi à Bagdad une visite d’État, sa première en Irak en plus d’une décennie. Une vingtaine d’accords ont été signés sur les ressources hydriques, les exportations pétrolières ou encore la sécurité régionale. Ce déplacement intervient dans un contexte régional explosif, alimenté par la guerre à Gaza et les tensions entre Israël et l’Iran.
France 24, le 23 avril 2024, par Marie-Charlotte Roupie
Premier déplacement en Irak depuis treize ans pour Recep Tayyip Erdogan. Le président turc est à Bagdad lundi 22 avril, avec au programme la signature d’une vingtaine d’accords et des discussions épineuses sur la sécurité régionale, le partage des eaux, mais aussi la coopération économique.
Recep Tayyip Erdogan a été accueilli à sa descente de l’avion sur le tarmac de l’aéroport de Bagdad par le Premier ministre Mohamed Chia al-Soudani, tandis que retentissaient les 21 coups de canons d’une salve d’honneur.
Le dernier déplacement du président Erdogan en Irak remonte à 2011. Alors Premier ministre, il exhortait les autorités irakiennes à coopérer dans la lutte contre les combattants kurdes turcs du PKK, Parti des travailleurs du Kurdistan, classé groupe « terroriste » par Ankara et ses alliés occidentaux.
Lundi, sur les sujets qui fâchent, Recep Tayyip Erdogan et Mohamed Chia al-Soudani ont repris les positions traditionnelles de leur pays, tout en mettant en avant les opportunités économiques accompagnant la visite du président turc.
Mohamed Chia al-Soudani s’est félicité de la signature d’un « accord-cadre stratégique » visant à « construire une coopération durable dans tous les domaines » via des commissions permanentes « pour la sécurité, l’énergie et l’économie ».
Outre la signature de 24 protocoles d’entente, les discussions ont porté sur le PKK et des questions sécuritaires.
« Nous avons discuté des mesures communes qui peuvent être prises contre le PKK et ses extensions, qui ciblent la Turquie depuis le territoire irakien », a insisté Recep Tayyip Erdogan lors d’une allocution commune.
« A cette occasion, j’ai partagé avec mes homologues ma ferme conviction que la présence du PKK sur le territoire irakien prendra fin le plus rapidement, en étant officiellement déclaré comme organisation terroriste », a-t-il plaidé.
« Coordination sécuritaire bilatérale »
La Turquie a installé depuis 25 ans des bases militaires au Kurdistan irakien pour lutter contre les bases arrière du PKK. Elle mène régulièrement des opérations contre ces combattants en territoire irakien.
Mohamed Chia al-Soudani a lui sobrement évoqué une « coordination sécuritaire bilatérale » qui répondra « aux besoins des deux parties, et permettra de faire face aux défis posés par la présence d’éléments armés, susceptibles de coopérer avec le terrorisme et de violer la sécurité des deux pays ».
En mars, le ministre de la Défense irakien Thabet al-Abassi excluait « des opérations militaires conjointes » contre le PKK, tout en soulignant que Bagdad et Ankara œuvreraient « au lieu et au moment voulus » à la mise en place « d’un centre conjoint de coordination des renseignements ».
Autre sujet de contentieux, la question du partage des eaux. Les autorités irakiennes fustigent le voisin turc pour les barrages construits en amont sur le Tigre et l’Euphrate, qui ont réduit drastiquement le débit des deux fleuves mythiques arrivant en territoire irakien.
Lundi les deux pays ont passé un « accord-cadre sur la question de l’eau » d’une durée de dix ans.
Objectif: des projets conjoints visant à « améliorer la gestion des eaux » des deux fleuves, a assuré Mohamed Chia al-Soudani, qui espère ainsi une « administration commune et équitable des ressources hydriques ».
« Il n’est dans l’intérêt de personne que la situation s’aggrave concernant l’eau et la quote-part de l’Irak », a-t-il jugé.
« C’est un fait que la crise climatique affecte négativement la Turquie (…) ainsi que l’Irak », a rappelé Recep Tayyip Erdogan. « Utiliser l’eau efficacement en évitant le gaspillage est aussi important que la quantité d’eau », a-t-il souligné.
« Stimuler la croissance »
À l’ordre du jour figurait aussi la « Route du développement », ambitieux projet de route et de voie ferrée, corridor de 1.200 km devant relier d’ici 2030 le Golfe à la Turquie en passant par l’Irak.
Lundi, en présence d’Erdogan et de Soudani, quatre ministres représentant l’Irak, la Turquie, mais aussi les Emirats arabes unis et le Qatar ont signé un « mémorandum d’accord quadripartite » portant sur leur coopération à propos de la « Route du développement », selon un communiqué irakien.
Les pays signataires devront « installer les cadres nécessaires à la mise en œuvre du projet », précise le texte, qui rappelle que l’initiative « contribuera à stimuler la croissance économique ».
Après Bagdad, le président turc sera en soirée à Erbil, capitale du Kurdistan autonome dans le nord de l’Irak.
Parmi les dossiers sensibles sur lesquels les deux pays voisins n’arrivent pas à s’accorder, il y a les exportations pétrolières, menées autrefois par le Kurdistan d’Irak sans l’aval de Bagdad, qui transitaient par le port turc de Ceyhan. Elles sont à l’arrêt depuis plus d’un an, en raison de litiges et de problèmes techniques.