L’assèchement de la presse libérale en Turquie, la disparition des quotidiens d’opposition, l’exode des journalistes ont privé l’opinion turque de sources d’information indépendantes. Cette lacune est comblée par des nouveaux canaux d’infos turcophones sur le web.
Parmi eux Bianet (1997) est sans doute le plus ancien, le plus institutionnalisé. Les ont suivi T24 (2009), Gazete Duvar (2016,) Diken (2014) qui sont des plateformes d’opposition, renseignant, débattant et critiquant en Turc. Le dernier né de ces titres, +90 qui émet sur Youtube se singularise par la composition de ses initiateurs, tous des organes de presse internationale publique ou semi-publique bien établies et reconnus. Il s’agit d’une plateforme émettant sur You tube, issue de l’association de l’allemand DW (Deutsche Welle), de l’anglais BBC, de France24 et de VOA (Voice of America). Originale et sans autre exemple dans son genre, cette plateforme irrite profondément ceux des titres turcs voués aux louanges d’Erdogan.
Cette presse partisane évoque « l’encerclement du journalisme turc par l’univers médiatique globalisé ». Elle n’épargne de ses flèches ni le journal trilingue (turc, anglais, arabe) Ahval mis en ligne en 2017 et qui totalise aujourd’hui 850.000 clics par mois, ni les journalistes réfugiés en Europe comme l’ancien rédacteur en chef du journal Cumhuriyet, Can Dundar. Même Euronews en turc ne trouve grâce à ses yeux. Elle l’accuse d’avoir contribué à fomenter, en 2013, les protestations de Gezi ce parc que voulait détruire la mairie d’Istanbul pour y construire un centre commercial. Ce projet avait suscité un vaste mouvement dans le style occupy.
Habituée à faire écho aux scénarios « complotistes » d’Erdogan la presse nationale avait asphyxié le débat public. Les nouvelles plateformes apportent à ceux qui savent se repérer sur la toile l’oxygène indispensable à la pensée critique.