A quelques jours du second tour de l’élection présidentielle en Turquie, Recep Tayyip Erdogan se retrouve en position de force face à son adversaire Kemal Kiliçdaroglu. Le président sortant s’est installé au fil des années en maître dans l’art de fabriquer des théories du complot pour se maintenir au pouvoir. Par Pauline Pennanec’h sur France Info du 23 mai 2023. Pour écouter: ICI
« C’est clair, l’élection du 14 mai est une tentative de coup d’Etat politique de l’occident, une tentative de coup d’Etat où tous les préparatifs sont en place pour éliminer la Turquie« . Le ministre de l’intérieur turc Suleyman Soylu prononçait ces quelques phrases, deux jours avant le premier tour de l’élection présidentielle, devant une foule acquise au chef de l’Etat Recep Tayyip Erdogan, candidat à sa réelection. Face à lui, le candidat de l’opposition Kemal Kiliçdaroglu. Cette théorie d’un coup d’Etat de l’occident, colportée par le camp présidentiel, n’est pas nouvelle. « On mesure combien populisme et moment électoraux sont propice au complotisme », note Tristan Mendès France.
Durant cette campagne, la figure de Georges Soros semble être centrale dans l’imaginaire complotiste turc. Un compte AKP, pro Erdogan, tweetait, avant le premier tour : « Soit Soros, soit Erdogan ». « C’est un exemple typique de faux dilemne, de fausse alternative, remarque Rudy Reichstadt. On fustige l’opposant d’Erdogan en le faisant passer pour une marionnette de Soros qui est une figure détestée, la figure par excellence du comploteur mondialiste dans l’imaginaire contemporain. »
Les séismes en Turquie et en Syrie suscitent les théories
Guillaume Perrier, journaliste international au Point, ancien correspondant du Monde à Istanbul de 2004 à 2014, revient sur les théories du complot nées des séismes en Turquie et en Syrie, catastrophe qui a fait plus de 50 000 morts le 6 février 2023, qui ont inondé les réseaux sociaux via le hashtag #Haarp. Des internautes assuraient que les séismes n’avaient rien de naturel. « On retrouve là le vieux fond d’anti-américanisme, estime le journaliste, parce que derrière ça, c’est évidemment l’idée que les Américains se livrent à des expérimentations scientifiques en Turquie sous couvert de leurs activités au sein de l’Otan. »
La Turquie est depuis 1953 membre de l’Otan et dans le même temps, selon Guillaume Perrier, « il existe ce fort sentiment d’anti-américanisme qui traverse vraiment toute la scène politique turque. C’est quelque chose de très paradoxal. Sur les séismes, il y a toujours cette théorie complotiste de penser que les séismes sont manipulés par les humains. »
Dans cet épisode, Tristan Mendès France et Rudy Reichstadt analysent les fantasmes autour du Traité de Lausanne qui marque véritablement la fin de l’Empire ottoman et la naissance de la Turquie moderne, mais aussi les théories à propos de Mustafa Kemal Atatürk, le père fondateur de la Turquie moderne, président de la République de Turquie de 1923 à 1938.
« La Turquie complotiste à l’heure de l’élection présidentielle », c’est le 48e épisode de Complorama avec Rudy Reichstadt, directeur de Conspiracy Watch, et Tristan Mendès France, maître de conférence et membre de l’observatoire du conspirationnisme, spécialiste des cultures numériques. Un podcast à retrouver sur le site de franceinfo, l’application Radio France et plusieurs autres plateformes comme Apple podcasts, Podcast Addict, Spotify, ou Deezer.