Crédits photos : Nora Seni, 2019
Réfugiés attendant leur transfert de l’île de Symi
Tribune de NORA SENI,
Symi, le 8 octobre 2019
Dans la partie de billard à trois bandes que la Turquie joue dans sa probable invasion du nord de la Syrie, la menace d’Erdogan de laisser passer les migrants vers l’Europe, mieux de l’inonder de réfugiés, joue un rôle crutial. Bien que le feu vert, décision personnelle de Donald Trump du 6 octobre semble suffire à Recep Tayyip Erdogan pour déclencher l’opération militaire turque « Fontaine de paix » (!) sur les territoires des Kurdes syriens, le président turc exige également de l’Union européenne qu’elle ne s’oppose pas à cette opération. Il illustre sa détermination en cessant de filtrer l’afflux de migrants choisissant la voie de la mer Egée. Il enfreint ainsi l’accord passé en mars 2016 entre la Turquie et l’UE prévoyant qu’Ankara ferme ses frontières aux candidats à l’émigration vers l’Europe en contrepartie d’une aide de 6 milliards d’euros. (Pour l’analyse juridique des accords UE_Turquie concernant la circulation des réfugiés voir: THIRD ANNIVERSARY OF EU-TURKEY STATEMENT: A LEGAL ANALYSIShttps://observatoireturquie.fr/index.php/2019/10/04/third-anniversary-of-eu-turkey-statement-a-legal-analysis/
Aux îles qui de Lesbos, Leros, Samos, Chios qui reçoivent cet afflux s’est ajoutée ces dernières semaines Symi une élégante et minuscule île proche de Rhodes et à quelques encablures seulement des côtes turques. Cette île qui a compté parmi les plus riches du Dodécanèse est reconnaissable par les façades des grandes maisons-de-maître réhabilitées en style néoclassique qui grimpent en gradins, en flanc de colline escarpée. En été elle attire une population cosmopolite chic dont les germanopratins ne sont pas absents.
Ils circulent librement, pas de camp, pas de hot spot. Un café en particulier semble être devenu leur quartier général où on les voit penchés sur leur portable en train, imagine-t-on, de rassurer leurs proches. La traversée ne semble pas les avoir trop éprouvés, leur apparence, leurs vêtements ne semblent pas affectés par de longs périples. Mais lorsqu’il est question d’évacuer cette population soit sur un gros bateau des lignes nationales grecques soit sur un vaisseau de l’armée comme ce fut le cas ce 7 octobre l’encadrement autoritaire reprend ses quartiers : obligation de se mettre en rang par quatre, puis de s’accroupir, directives assenées par des policiers nerveux et quelque peu dépassés par la brutale irruption d’une situation inhabituelle dans leur quotidien tranquille.