La Cour européenne des droits de l’homme (CEDH) vient de juger (13 avril 2021) que les droits à la liberté et à la sécurité de l’écrivain et journaliste turc Ahmet Altan sont violés par sa détention de cinq ans. Elle a décidé par six voix contre une que la Turquie ne respectait pas la Convention européenne des droits de l’homme en maintenant Altan en prison. Altan est accusé par les procureurs d’avoir aidé et encouragé le mouvement Fethullah Gülen, qui, selon la Turquie, a organisé coup d’État militaire raté en juillet 2016.
La CEDH a condamné la Turquie à verser à Altan 16 000 euros de dommages et intérêts.
Altan est l’un des fondateurs du journal Taraf, aujourd’hui disparu. Il fait partie des nombreuses personnalités publiques arrêtées et emprisonnées depuis la tentative de coup d’État. Son procès et ceux du philanthrope Osman Kavala et d’éminents politiciens kurdes suscitent des inquiétudes quant à l’état de droit en Turquie et ont contribué à la décision de l’Union européenne de geler les négociations d’adhésion du pays.
Avant la tentative de coup d’État, Altan avait écrit des articles critiques à l’égard du gouvernement qui mettaient en garde contre une éventuelle tentative de prise de pouvoir par les militaires. La Cour a déclaré qu’il n’existait aucune preuve à l’appui des affirmations des procureurs selon lesquelles les actions d’Altan faisaient partie d’un plan visant à renverser le gouvernement. La Cour a estimé que les critiques du requérant à l’égard de l’approche politique du président ne pouvaient être considérées comme une indication qu’il avait eu connaissance au préalable de la tentative de coup d’État. La Turquie ne pouvait donc pas justifier de limiter son droit à la liberté d’expression car sa détention n’était pas fondée sur une suspicion raisonnable qu’il avait commis un crime.
La Cour a également jugé à l’unanimité que la Turquie avait enfreint la Convention européenne car les tribunaux turcs n’avaient pas statué rapidement sur la légalité de la détention d’Altan. La Cour a rendu cette décision après que la Cour constitutionnelle turque ait rejeté un recours en justice formé par M. Altan pour obtenir sa libération en décembre. Elle a rappelé que la privation de liberté, en particulier le maintien en détention, doit être fondée sur des soupçons raisonnables ».
La CEDH a également statué en faveur de la libération de Kavala et de Selahattin Demirtaş, l’ancien codirecteur du Parti démocratique des peuples (HDP) pro-kurde, pour des motifs similaires.